"Bande FN" : que faire ?
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 160 commentaires
À la question de savoir pourquoi le nommé Manuel Valls hante, comme jadis Belphégor le Louvre, les studios de radio et de télévision, question que nous nous posions ici-même, et que je re-posais hier pour la 4937e fois, une internaute a répondu : parce que c'est une manière pratique de diffuser un discours d'extrême droite, en le comptabilisant dans le temps de parole des socialistes. C'est en effet l'explication la plus vraisemblable.
Ce n'est d'ailleurs qu'un des nombreux trous du système mité de "comptage des temps de parole", en vigueur dans l'audiovisuel, sous la haute surveillance du CSA. Il faut être aveugle pour ne pas voir que le non-décompte, dans les temps de parole de l'extrême droite, des émissions de Zemmour et de Praud, pour ne prendre que cet exemple, pose un réel problème. Non pas que le CSA soit totalement inactif. A propos de la bollorisation d'Europe 1, il a certes timidement rappelé que "les changements intervenus dans la composition du capital social ou des organes de direction et dans les modalités de financement" des entreprises qu'il conventionne devaient être soumis à son agrément. Lagardère et Bolloré ont jusqu'au 30 juin pour demander cet agrément. Nul doute qu'ils tremblent.
Alors que faire ? Pour avoir préconisé, dans Libé
, que soient comptabilisés non seulement les intervenants ouvertement politiques, mais aussi "les invités non politiques mais dont le discours est biaisé politiquement", (réforme, certes, qui ne serait pas simple à appliquer) l'économiste Julia Cagé, que nous connaissons bien ici, s'est fait reprendre de volée par Pascal Praud, ce qui est naturel, mais aussi par... le patron de Libé
, Denis Olivennes, qui lui a reproché de souhaiter transformer la France en "Cuba sans le soleil"
.
"Assurons-nous plutôt du pluralisme de l'offre"
, préconise Olivennes. Ben voyons ! Osons donc nommer les choses. Le dispositif actuel, en France, des télés privées d'info continue est le suivant. Une chaîne ouvertement d'extrême droite (CNews, Bolloré), dans laquelle le présentateur vedette Zemmour entretient chaque soir une confusion générale en expliquant tranquillement, par exemple, que Hitler était de gauche. Une chaîne qui s'efforce de la suivre avec un bémol (LCI, Bouygues), traquenard quotidien dans lequel les candidats de gauche invités sont incapables de développer leurs propositions, et sans cesse ramenés aux obsessions maison. Paysage dans lequel la gentiment macrono-compatible BFM (Drahi) apparaît presque comme une oasis de modération. Le rétablissement du "pluralisme de l'offre"
supposerait, soit l'expropriation de certaines de ces chaînes, soit l'attribution de fréquences à trois chaînes de gauche, de la gauche rouge vif à la gauche rose pâle, en passant par toutes les nuances du vert. Chiche ! Milliardaires volontaires, à vos chéquiers !