Accusé Thomas Hugues, levez-vous !

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 66 commentaires

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Donc, la cause est entendue, je suis un procureur, et Arrêt sur images est un "tribunal stalinien".

Ou plutôt "était". C'est Thomas Hugues qui le dit, ex-joker de PPDA sur TF1, ex Toto de "Toto et Lolo" à l'époque où, avec sa compagne Laurence Ferrari, ils étaient le couple montant exhibé par TF1 à la Une des magazines, et donc aujourd'hui animateur de l'émission qui a remplacé en 2007 Arrêt sur images sur France 5, et qui s'appelle Médias le mag. Il le dit dans une interview à Télé Obs.

Je crois n'avoir jamais vraiment répondu à cette insulte-cliché, par certains confrères de la télé, d'être un "procureur", accusation qui m'accompagne depuis la création de l'émission. Elle me semble, cette accusation, tellement disqualifier ceux qui la formulent, qu'elle s'autodétruit. C'est sans doute une erreur. Même les pires procureurs staliniens ne sont pas dispensés de pédagogie. On ne revient jamais assez aux fondamentaux. Il faudrait donc rappeler inlassablement qu'Arrêt sur images s'est toujours voulu un dispositif d'interpellation, d'analyse, d'investigation, des narrations médiatiques, mais pas de n'importe lesquelles : des narrations médiatiques en crise. De celles qui dysfonctionnent. De celles qui font subir au réel des distorsions exagérées, et néfastes. En cela, les équipes successives de l'émission, puis du site, se sont d'ailleurs toujours comportées comme des journalistes ordinaires, la tête prioritairement tournée vers les trains qui n'arrivent pas à l'heure, ou qui déraillent. Si c'est être procureur, alors tous les journalistes devraient être des procureurs. La presse irait mieux.

Dans la même interview, Hugues donne d'ailleurs involontairement un exemple en creux de ce qu'est un journaliste "non procureur". Interrogé sur les "pressions" qu'il subit éventuellement de la part de France Télévisions, il évoque un épisode : celui de l'annulation de l'émission Des paroles et des actes du 22 octobre dernier, qui devait inviter Marine Le Pen (pour la cinquième fois depuis la création de l'émission), à quelques heures de l'ouverture officielle de la campagne des Régionales. Devant les protestations conjointes de Sarkozy et Cambadélis, la chaîne dut y renoncer, après moult contorsions pour se sortir de la nasse. C'était l'exemple d'un groupe public puni par où il avait péché : la recherche à tout prix de l'audience. C'était donc le sujet tout naturel de l'émission medias de la semaine. Certes, sans aucun morceau de réquisitoire à l'intérieur. Sur un ton purement professionnel. Par exemple, en invitant Pujadas et en lui demandant, doucement, sans le brusquer, avec toute l'empathie nécessaire, comment il avait pu se fourrer dans cette nasse.

Après un coup de fil de la direction de l'info de France 2, Hugues décide pourtant de "ne pas en faire quarante-cinq minutes" dans son émission. En effet. La cellule chronométrage du parquet d'@si a chronométré : dans l'émission qui suit, 21 secondes sont consacrées à l'épisode, et Hugues se défausse d'un éventuel jugement sur son invitée du jour, Léa Salamé. Au total, il remplit donc la fonction que l'on attend de lui : produire une émission corporate sur le groupe qui l'emploie, visant à cacher sous le tapis toutes les questions dérangeantes. Raison pour laquelle, d'ailleurs, nous n'avons pas souhaité encombrer le tribunal le site avec cette affaire, le pacte de lecture entre Hugues et ses spectateurs étant parfaitement clair, et concluons donc à une peine de principe. Affaire suivante.

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