Darmanin, le caleçon et la bête humaine

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 31 commentaires

Prenant l'interview matinale de RTL en cours, je ne comprends tout d'abord pas bien contre qui ferraille Elizabeth Martichoux, à propos de la réforme de la SNCF. Un ministre, oui, sans doute, mais lequel ? Martichoux tente de l'acculer à dévoiler les projets du gouvernement sur le statut des cheminots. L'invité, de son côté, s'efforce d'aiguiller l'interview sur les petites lignes. Pardonnez-moi, Elizabeth Martichoux, ce qui intéresse les Français, ce sont les petites lignes. La SNCF, elle n'est pas faite pour les cheminots. 

Allons, Excellences, ne vous fatiguez pas. La manoeuvre, on l'a comprise depuis longtemps. Le gouvernement balance un chiffon rouge écarlate, le rapport Spinetta (suppression du statut des cheminots + fermeture des petites lignes). Et au dernier moment, alleluia, instant de grâce, ô temps suspends ton vol, le gouvernement   dans sa magnanitude, épargne les petites lignes pour ne poignarder que le statut des cheminots.  Soulagement général escompté dans les chaumières. Vieux singes que nous sommes, on connait la manoeuvre.

Et puis, Martichoux prononce le nom de son invité : Gérald Darmanin, ministre des comptes publics. Et immédiatement, à l'image mentale du cheminot, se superpose celle d'un maire en caleçon, allongé sur un lit dans une chambre d'hôtel, qui sollicite une fellation de la part d'une demandeuse de logement. L'image ressort du récit de la seconde plaignante contre Darmanin, tel que l'a reproduit Mediapart deux jours plus tôt. Un type en caleçon, contre le Gabin de la Bête humaine : perturbant.

Après le duel sur la SNCF, Martichoux en vient logiquement à cette plainte pour abus de faiblesse. Evidemment, elle ne parle pas de caleçon, ni de fellation. On est tout de même sur une grande radio, à une heure de grande écoute. Elle parle de "relation intime". Et à propos de la plaignante : "Vous aviez dit ne pas la connaître. C'est toujours le cas ?" Evidemment, Darmanin répond à côté, comme pour le statut des cheminots. Il rappelle qu'une première plainte, pour viol dans ce cas, d'une autre femme, a été classée sans suite, les éléments juridiques d'un viol n'étant pas réunis. Cette fois encore, il laissera la Justice faire son travail. Pour sa défense, il cite un poète français, du nom de Georges Pompidou, et un vers sur les narines frémissantes et les boules puantes. Il s'en sortirait bien, et ça vaudrait bien une ovation debout à l'Assemblée, dès que possible, n'était cette superposition d'images mentales, un peu ennuyeuse, tout de même. 

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