Elon Musk et DOGE (2/2) : votez Grok

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Non content de démanteler la bureaucratie étasunienne en prenant le contrôle de ses systèmes informatiques stratégiques, Elon Musk et son DOGE proposent de remplacer les fonctionnaires limogés par des logiciels d'IA. Une manière de remplacer la politique par la technique, et la démocratie par le calcul.

La semaine dernière, au moment de conclure une (très longue) taxonomie du coup d'État techno-fasciste en cours aux États Unis, j'affirmais que le travail de démolition d'Elon Musk et de son équipe de margoulins représentait à la fois une rupture méthodique et une culmination idéologique. Rupture méthodique avec la tradition historique putschiste, qui consistait jusqu'ici (en forçant le trait) à enrôler une masse critique de types armés jusqu'aux dents pour forcer la porte des lieux de pouvoir – avec une préférence pour le Parlement et le palais présidentiel –, alors que la prise de pouvoir de DOGE, reflet de la gouvernance contemporaine technocratique, a lieu dans la salle des machines de l'administration – bases de données, serveurs, logiciels de paiement –, et dans le langage de la violence managériale.

Rupture donc, mais tout à la fois culmination d'un couple néolibéralisme/ capitalisme de rente qui court depuis un quart de siècle derrière sa configuration idéale : le monopole, dont la traduction politique littérale s'appelle la dictature, et qui garantit dans les deux cas une forme d'invulnérabilité à la concurrence, aux impôts, aux syndicats, aux élections et à tout autre type de contre-pouvoir. Ces deux dimensions historiques définies, intéressons-nous désormais à la troisième, qui donne au phénomène politique en cours son aspect résolument imprévisible : le rôle de l'intelligence artificielle (IA) par la créature trumpo-muskienne comme projet politique, horizon idéologique et gouvernementalité quotidienne, tout ça à la fois.

PURGES AUTOMATISÉES

Depuis l'intronisation de Trump et la rafale d'executive orders qui s'en est suivi, pas une semaine ne se passe sans l'annonce du déploiement, le plus souvent contraint et forcé, de logiciels identifiés comme "IA" dans tous les secteurs de l'administration fédérale. Thomas Shedd, lieutenant de Musk et ancien de Tesla, placé à la tête du Technology Transformation Service (TTS) et de ses 700 techniciens, annonce la couleur début février : la stratégie sera "AI-first", ce qui consiste concrètement à automatiser autant de fonctions que possible, virer 50% des employés, et exporter le modèle de management au reste de l'appareil d'État. À la General Services Administration (GSA), les petites mains de DOGE réutilisent un chatbot appelé GSAi, basé sur un modèle d'Anthropic mais imitant l'interface de ChatGPT, pour"augmenter la productivité quotidienne" des 12 000 employés de l'agence et bien évidemment réduire les dépenses en traquant la "fraude" dans les comptes.  

Prochains sur la liste : le département du Trésor, noyauté par DOGE jusqu'à la moelle algorithmique, et celui de la Santé et des Services sociaux – autrement dit, la Sécu, premier poste de dépense du budget fédéral. Les couloirs de Washington résonnent du bruit des chatbots (oui, j'étais obligé de la faire).

Vous vous souvenez de ces emails illégaux envoyés par les équipes de Musk à deux millions de fonctionnaires leur imposant de résumer leur travail de la semaine passée en cinq bullet points? Les réponses, révèle NBC, seront transmises à un grand modèle de langage (LLM), sans qu'on sache lequel, qui triera les indispensables des inutiles. Pire : toujours selon l'indispensable Wired, les terroristes bureaucratiques du DOGE ont mis la main sur un vieux logiciel du Département de la Défense, AutoRIF (pour "Automated Reduction in Force", ou réduction automatique des effectifs), développé au début des années 2000 pour, déjà, faciliter les licenciements, et sont en train de mettre à jour son code source. 

Dans les mains d'un centimilliardaire fasciste qui développe son propre modèle de langage, Grok, via son entreprise d'intelligence artificielle xAI, et dont le plan prévoit l'élimination pure et simple de tous les programmes publics liés aux droits civiques dans les six mois, la perspective d'une machine à virer automatiquement du fonctionnaire relève probablement du fantasme. Et OpenAI a parfaitement et cyniquement saisi l'esprit du temps : dès le 28 janvier, le "leader" d'un "marché de l'IA" qui n'existe toujours pas, dévoilait ChatGPT Gov, un chatbot spécialement conçu pour des employés fédéraux – celleux qui resteront, du moins, une fois l'épuration patronale terminée.

Partout, la petite mélodie de l'IA résonne, accompagnant le tempo des coupes budgétaires, du harcèlement managérial et de la surveillance de masse. Au ministère de l'Éducation américain, les comptes sont analysés par une "IA" de Microsoft afin d'identifier automatiquement les coupes budgétaires à venir, et DOGE propose de remplacer les 1600 fonctionnaires chargés de discuter avec les étudiants et leurs parents, notamment au sujet des prêts, par des chatbots

Dans l'armée, c'est le chatbot CamoGPT, développé en interne à partir du modèle Llama de Meta, qui s'occupe d'effacer automatiquement des documents militaires toutes les références à la diversité, l'égalité, l'inclusion et l'accessibilité (DEIA). Ces derniers jours, le Pentagone a également signé un accord avec Scale AI, Microsoft et la start-up de tech militaire Anduril pour intégrer des chatbots dans le processus décisionnel militaire. Comme annoncé en janvier, le complexe militaro-algorithmique, hébergé dans "l'anti-Silicon Valley" d'El Segundo, en Californie, est l'un des grands gagnants du régime broligarchique.

"militants pro-Hamas"

Mais l'actualité nous offre un cas d'étude plus terrible encore, un signe annonciateur du techno-fascisme structurel qui s'installe. Le 6 mars, le département d'État, l'équivalent du ministère des Affaires étrangères, annonçait l'utilisation de logiciels "d'IA" pour traquer automatiquement les étudiants étrangers considérés comme "militants pro-Hamas", et révoquer leur visa. Le 8 mars, Mahmoud Khalil, diplômé de l'université de Columbia en décembre et impliqué dans l'activisme pro-palestinien sur le campus l'année passée, était arrêté par la police aux frontières – la fameuse ICE, responsable des raids menés dans les écoles, de la gestion de la centaine de camps de détention installés sur le territoire étasunien (soit près de 41 000 lits) et des 18 000 déportations du mois dernier. Mahmoud Kahlil n'ayant commis aucun crime et, surtout, étant officiellement un résident permanent des États-Unis, The Verge a pour une fois un titre à la hauteur de l'information : "This is just the start", ou "Tout cela n'est qu'un début". Car tout ça n'est évidemment qu'un rodage. Sous le techno-fascisme de Musk et Trump, chaque citoyen devient un déporté potentiel, ses traces numériques analysées par une Gestapo algorithmique.

Alors, comme l'écrivait le spécialiste en cybersécurité Bruce Schneier pour The Atlantic dès février, il est temps de s'inquiéter sérieusement du projet techno-politique de DOGE. Utiliser des logiciels de traitement automatique de données (qu'on appelait encore hier "analyse big data" ou "apprentissage machine" et qu'on appelle désormais à tort et à travers "IA") en complément du personnel administratif, pour effectuer des tâches impossibles à l'intelligence humaine et améliorer le service public, n'a rien de fondamentalement problématique (cette approche de l'outil technique est celle dite du "centaure", telle que théorisée par Cory Doctorow). Mais le plan est ici tout autre : "remplacer le personnel humain par des machines", selon un cadre du gouvernement cité par le Washington Post, et "automatiser tout ce qui peut l'être."

diversion 

Comme des vases communicants, l'algorithmie remplit le vide ouvert par les licenciements massifs, avec la promesse de faire non seulement aussi bien mais mieux, à une fraction du coût. Une promesse patronale aussi vieille que la machine Jacquard de la Première révolution industrielle, qui masque depuis toujours une dévaluation du labeur humain, une dégradation généralisée -des salaires, des conditions de travail, des biens et services produits, et des conditions matérielles d'existence du plus grand nombre –, et une concentration accélérée du capital. Et les employés le savent. Comme l'a déclaré Serguei Brin, cofondateur de Google et transhumaniste, le 27 février dernier : pour développer "l'intelligence artificielle générale" (AGI) qui nous débarrassera définitivement du travail,  le mieux est encore de revenir au bureau et de faire des semaines de 60h. Ben voyons.

Toute technique est un reflet de ses conditions politiques d'émergence et de ses objectifs; tout logiciel "d'IA" est donc une extension du néolibéralisme, qui tire désormais vers un postnéolibéralisme fascisant. Cette nouvelle conjuration d'imbéciles parie publiquement sur le fait que de pathétiques outils d'autocomplétion de texte, infoutus de donner une réponse factuelle plus d'une fois sur trois, suffisent à remplacer la politique. C'est partiellement faux : en tant que "fabrique à excuses", selon les mots toujours excellents d'Eryk Salvaggio, cette "IA" ni intelligente ni artificielle suffit amplement à stériliser la démocratie représentative. 

Les logiciels ne remplaceront jamais les êtres humains, et ceux qui défendent leur déploiement le savent. Tout ce que les fossoyeurs de la démocratie attendent de l'outil technique, c'est qu'il soit perçu comme un concurrent plausible du fonctionnaire le temps du remplacement de la bureaucratie par l'infrastructure. Une fois l'institution éviscérée, littéralement déshumanisée, les "IA" peuvent révéler leur nullité : non seulement ça ne fera pas revenir les employé.es, mais les broligarques de la Silicon Valley appuieront encore plus fort sur le champignon techno-solutionniste, promettant de combler les failles sociales avec des "solutions" techniques toujours plus inutiles et énergivores, dans un véritable écocide pour du vide. On apprenait, le 11 mars par Wired, qu'Elon Musk, contrairement à Trump, était en faveur d'une paralysie budgétaire gouvernementale - le fameux "shutdown", qui devrait être évité suite au vote d'un accord provisoire le 12 mars. Normal : comme les "Chicago Boys" néolibéraux des années 80 et leur "stratégie du choc", Musk cherche à provoquer et entretenir un état de crise permanent pour détruire l'édifice public autant que possible. L'intelligence artificielle n'est là que pour alimenter la diversion.

Les fantasmes d'automatisation et d'efficacité – le gouvernement doit fonctionner comme une startup, l'IA doit remplacer les fonctionnaires – ne cherchent pas à décrire une réalité politique présente ou future ; ce sont, pour reprendre l'idée du blogueur néomonarchiste Curtis Yarvin, des "hyperstitions". En maintenant une semblance de rationalité, ces catéchismes technoreligieux vaseux créent une structure de permission, qui autorise une élite techno-financière à extraire toujours plus de valeur du corps social sous prétexte d'installation du futur des sociétés humaines. Comme l'a (encore) superbement résumé Eryk Salvaggio, "ChatGPT et les autres LLM ne sont pas des outils de prise de décision, mais des outils de disparition de la décision ; ils ne créent pas du texte mais du prétexte". En venant s'intercaler entre les seigneurs et leurs sujets avec une aura d'infaillibilité rationnelle, ils institutionnalisent l'impunité. Ce n'est plus de l'humain mais de l'ordinateur ; ce n'est plus de la politique mais du calcul, et le calcul n'a jamais tort. Si la sainte machine dit qu'il faut virer des employés dans 11 agences fédérales ayant ouvert des enquêtes sur les entreprises de Musk, ainsi soit-il. D'où le simulacre du "tableau de bord" des économies soi-disant réalisées par DOGE, bardé d'erreursjamais rectifiées : il s'agit uniquement de performer le spectacle d'une gouvernance technique cybernétique transparente, neutre et objective, au moment même où un projet politique fasciste opaque reconfigure le réel en-dehors de tout dialogue social. Ce n'est pas de l'intelligence artificielle, mais l'artifice de l'intelligence.

Malheur aux insimulables

Si j'écris jusqu'ici "IA" entre guillemets, c'est parce que "l'IA" en tant qu'outil technique n'existe pas. L'IA telle que présentée dans la presse est depuis ses origines un mythe: celui d'une augmentation cognitive pour la techno-élite transhumaniste, en même temps qu'une réduction de l'autonomie collective par la surveillance, le calcul, la prédiction et l'automatisation. C'est, comme l'écrit Ali Alkhatib, un "projet de déplacement de l'autorité et de l'autonomie des individus vers des structures de pouvoir centralisées" typiques de l'impérialisme– un pouvoir omniscient, en "God Mode", de droit non plus divin mais technique et financier,  rappelle l'historien Quinn Slobodian.

Comme le fascisme et ses archétypes xénophobes, l'IA et ses prophètes ont un regard réductionniste sur le corps social. L'outil construit un modèle réduit statistique du monde, dans lequel il trie et classe des modèles réduits statistiques d'individus, et nous contraint ensuite à agir conformément à nos doubles stéréotypés, en jouant sur ce que le philosophe allemand Günther Anders appelle la "honte promethéenne", l'idée narcissique que nous sommes inférieurs à la perfection artificielle de notre propre création. Comme si le territoire devait s'adapter à la carte, et la kaléidoscopie de la condition humaine envier le vide monochromatique du chatbot. Comme si le devenir-machine et sa prédictibilité était enviable pour quiconque d'autre qu'une caste de broligarques terrifiée par l'irréductible anarchie du vivant.

Je l'ai déjà écrit dans le cas de Gaza, simuler n'est pas un simple pouvoir mimétique. C'est une intervention sur le réel, l'encodage de hiérarchies sociales historiques de classe, de genre et de race dans le marbre liquide de l'algorithmie, un paramètre après l'autre. Et on connaît (beaucoup trop bien) les conséquences de systèmes d'apprentissage automatique sur un État contemporain, qu'il les développe lui-même ou qu'il sous-traite le boulot au privé : à chaque fois, la violence pour les marges, pour les corps jugés subalternes, proportionnelle à leur éloignement de la moyenne statistique bourgeoise, mâle, blanche et valide. À chaque fois, des inégalités structurelles automatisées, aggravées, les mêmes existences numériquement et politiquement dévalorisées. À chaque fois. Au risque de pointer du doigt une corrélation parfaitement évidente, l'algorithmie mise au service d'une gouvernance néolibérale est toujours un outil d'oppression. Qu'on l'appelle hier big data ou aujourd'hui IA.

Donner un tel pouvoir à l'homme le plus riche du monde, homme blanc sud-africain, persuadé d'appartenir à une race supérieure dont le destin est de devenir immortel et omnipotent, c'est l'assurance de voir surgir un appareil informatique reflet de son propriétaire. Un système conçu pour noter, surveiller et punir la multitude qu'il déteste et méprise – vous, moi, les pauvres, les racisé.es, les femmes qui font autre chose que des gosses, les opposants au nécrocapitalisme, les inqualifiables, les imprévisibles, celleux qui refusent les déterminismes et les injonctions aveugles, celleux qui ont la prétention de pratiquer une agentivité individuelle et collective et d'organiser ensemble le buen vivir quotidien. Tout ce qui n'est pas Elon Musk et sa multiple progéniture, finalement.

Le lobby de l'efficacité

Vous le savez : des balles perdues des LBD aux algorithmes de la Caf, de Georges Floyd à Palantir, la violence n'est pas une erreur d'appréciation ou un problème de jeux de données, c'est une doctrine politique, une manière pour l'État de rappeler au corps social les règles qui le régissent et la hiérarchie des existences qu'il défend sous couvert de "maintien de l'ordre". La violence structure le capital algorithmique identifié par Jonathan Martineau et Jonathan Durand Folco. Dans la société du calcul, même dynamique : plus vous déviez du modèle normatif, plus vous vous approchez de l'incalculable lumpenscoretariat, plus la violence algorithmique tape fort, plus les conditions de vie se dégradent, plus les possibilités de contestation des mal-simulés se réduisent. Nuances, spécificités, imprévus disparaissent. L'horizon politique et social prend alors la forme d'une monoculture dystopique des idées, des identités et des opinions, éternellement standardisées et moyennisées. Tout le monde file doux et se conforme aux comportements attendus par le logiciel, éternellement inquiet de tomber dans une liminalité numérique sans possibilité de recours. Et "l'utopie algorithmique des puissants devient la dystopie algorithmique des démunis", conclut Hubert Guillaud.

Dans un retournement épistémique ahurissant, l'univers moral dément des Musk, Trump, Zuckerberg et Bezos, celui de l'individu-consommateur, de l'hypercroissance, de la transaction permanente, des rapports humains sociopathes, du vivant exploité, colonisé et marchandisé, de l'immortalité par numérisation et de la destinée manifeste blanche à dépasser les frontières du cosmos pour accumuler du pognon jusqu'à la mort thermique de l'Univers, cet antonyme de ce que Ivan Ilitch appelait la "société conviviale" devient alors... la direction à suivre vers le futur (posthumain) de l'espèce, encodée dans les calculateurs, naturalisée. Leurs désirs démiurgiques comme systèmes d'exploitation. 

La simulation informatique, qui divise le monde en zéros et en uns, explique James Bridle, devient alors la meilleure alliée du projet xénophobe, qui lui aussi binarise le corps social pour mieux le hiérarchiser - homme/femme, riche/pauvre, blanc/non-blanc, nous/eux, bien/mal. Pas étonnant, d'ailleurs, de voir l'extrême-droite se jeter sur les générateurs d'images pour matérialiser des stéréotypes racistes à la chaîne. L'IA, dixit Yarden Katz dans Artificial Whiteness, est ainsi, dès son acte de naissance idéologique en 1956, un auxiliaire technique du suprémacisme blanc. Sous couvert, depuis toujours, d'"efficacité", l'obsession de l'autoritarisme moderne à l'ère de la rationalité informatique, parfaitement identifiée par Marcello Vitali-Rosati dans son Éloge du Bug.La même obsession, et c'est tout sauf un hasard, que l'extrême-centre néolibéral, qui ne sait plus penser l'existence autrement qu'en taux de productivité, et le devenir humain autrement qu'en course à l'optimisation du soi.

La quête d'optimisation des existences est un axiome inchangé de toute recherche en IA contemporaine, et c'est précisément ce qui en fait la dangerosité : dans la bouche d'Elon Musk ou Sam Altman, l'IA est un outil d'épuration de l'espèce humaine. Comme l'écrivait avec prescience le technocritique Evgueny Morozov en décembre dernier, les premiers outils d'IA "reflètent fidèlement la raison instrumentale des employés administratifs des institutions à la pointe de la recherche en IA – le gouvernement, les entreprises, et l'armée. Le lobby de l'Efficacité savait exactement ce qu'il voulait : des opérations fluidifiées, une productivité augmentée, et un contrôle hiérarchique resserré. Le paradigme émergent promettait tout cela et bien plus encore. Au même moment, il n'existait aucune opposition organisée par la société civile – un lobby de l'Humanité, si l'on veut – pour défendre une approche alternative."

Soixante-dix ans après la conférence de Dartmouth, où un groupe de brillants logiciens néoplatoniciens, sans compétences en biologie ou sciences sociales, a unilatéralement décidé que l'être humain était un ordinateur et vice-versa, nous voilà face à son héritier direct : un projet politique et technique ségrégationniste, un État réduit à des chatbots conçus par des architectes fascistes, où certaines identités (trans, palestinien.nes, racisé.es, militant.es antifascistes et en faveur des droits civiques) se situent si bas dans la hiérarchie des existences qu'elles n'ont même pas le droit d'être encodées. Je l'écrirai autant de fois qu'il le faudra : ce n'est pas un bug, ça a toujours été conçu pour ça. L'histoire de l'IA jusqu'ici, de l'IA comme philosophie politique, c'est l'histoire d'un rêve techno-fasciste planqué sous le déguisement d'un futurisme chromé. Voir Elon Musk en faire la colonne vertébrale de son projet de rabotage des existences n'est pas une dénaturation : c'est ce qui se produit quand le capitalisme financier, la Silicon Valley et le fascisme se retrouvent simultanément sur le trône de l'Occident.

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