Violences à Amsterdam : 24 heures d’hystérie et de naufrage médiatique
Élodie Safaris - - Déontologie - Calmos ! - 235 commentairesRécit partiel, vidéos manquantes ou fausses, angles morts...
Pendant les 24h qui ont suivi les violences qualifiées d’antisémites qui ont eu lieu à Amsterdam les 7 et 8 novembre, médias et politiques ont tourné en boucle, reprenant sans aucune prudence la rhétorique du gouvernement israélien d’une "chasse aux juifs", voire d’un "pogrom". Une machine qui s’est emballée au sacrifice de la prudence vitale dans ce genre d’histoire et du contexte. En résulte un récit médiatique aux nombreux angles morts et une instrumentalisation visant à criminaliser un peu plus le soutien à la cause palestinienne, avec pour conséquence une critique des médias extrêmement vive et la défiance qui va avec. Retour sur une hystérie collective.
Les premières vidéos de ce que la maire d'Amsterdam, Femke Halsema, a qualifié de "nuit noire"
, ont émergé sur les réseaux sociaux jeudi 7 novembre un peu après minuit. Des images de nuit, sur lesquelles on ne voit pas grand chose mais qui permettent malgré tout de comprendre un peu ce qui se joue : des hommes s'y font violemment poursuivre et agresser par d'autres dont certains sont masqués. Ces scènes se déroulent à Amsterdam, à la suite du match de Ligue Europa entre l'Ajax et le Maccabi Tel-Aviv qui se déroulait le soir même à la Johan-Cruijff Arena.
Sur l'une des vidéos qui a le plus tourné et choqué, on voit un homme au sol, crier qu'il n’est pas juif pour qu'on ne le frappe pas. Sur une autre, un corps à même le sol, apparemment inconscient, est roué de coups de pied. Une troisième laisse deviner un canal de la ville. Un homme qui semble avoir été jeté dedans est forcé à dire "Free Palestine"
("Libérez la Palestine") pour être sorti de l'eau. Les intentions des agresseurs visibles sur ces vidéos semblent claires, il s'agit de venger la Palestine pour le massacre mené par le gouvernement israélien sur Gaza depuis plus d'un an. "Dis free Palestine" hurle l'un sur un supporter. "Ça c'est pour les enfants tués", assène un autre. Ces quelques vidéos glaçantes inondent les réseaux et tournent en boucle sur les médias français depuis le petit matin du 9 novembre.
Attaques antisémites ou anti-israéliennes ?
Au même moment, Benyamin Netanyahou annonce l'envoi de deux avions pour évacuer les supporters israéliens d'Amsterdam. Une mesure spectaculaire qui provoque de nombreuses réactions au sein de la communauté internationale.
Chez les politiques comme dans la majorité des médias, il est évident que les supporters de Maccabi ont été agressés parce que juifs, et que les agressions et passages à tabac sont des actes antisémites. Ce sont donc les représentants de la communauté juive en France qui sont invités sur les plateaux. Sur BFM, après avoir dénoncé un "lynchage de masse"
(sans jamais préciser de combien de personnes il est question),
Yonathan Arfi affirme que ces agressions n'ont pas eu lieu "seulement au nom du conflit qui se passe à Gaza, mais aussi parce qu'ils sont Juifs".
Yossef Murciano, le Président de l'Union des Étudiants Juifs de France évoque lui aussi "une chasse aux Juifs"
. "L
e caractère de ces images est clairement antisémite, c'est indubitable"
renchérit Tina Théallet de la Licra. Même certitude dans 24H Pujadas sur LCI et sur X où Anne Sinclair parle de "groupes organisés"
pour "casser du Juif"
.
Les titrailles diffèrent d'un média à l'autre et certains (Le Monde, Radio France, Le Nouvel Obs) font le choix de ne pas qualifier eux-même les attaques d'antisémites.
Sur X, le terme de "pogrom antisémite"
, utilisé par le président israélien Isaac Herzog, est repris - sans surprise - tel quel par Julien Bahloul, ex porte-parole français de l'armée israélienne : "N'importe quelle personne avec un minimum de culture générale qui a une fois visité un musée de la Shoah peut comprendre que ce qui s'est passé à Amsterdam est un pogrom anti juif"
. D'autres éditorialistes (et toutologues) reprennent la rhétorique israélienne. Jean Quatremer, correspondant à Bruxelles de Libé, évoque "l'Europe des pogroms", Julien Dray dénonce "
un pogrom organisé avec la complicité de la police d'Amsterdam"
. Le mot est également repris dans TPMP ou encore sur BFM, dans Face à Thréard.
Une certitude partagée, sur CNews, par Pascal Praud : "C
e qui s'est passé cette nuit à Amsterdam c'est un pogrom, c'est-à-dire qu'on tue des gens, on attaque des gens parce que Juifs"
. Dans L'Heure des Pros, l'animateur ouvre son émission avec gravité "un Français juif qui est un ami m'a regardé ce matin et m'a dit : « La chasse est ouverte, Pascal »".
De quoi susciter l'effroi chez les téléspectateurs juifs, déjà fortement impactés par l'antisémitisme qui explose depuis le 7 octobre. Mais Praud n'est pas là pour calmer les esprits : "Les français juifs vont quitter la France, c'est ça la réalité, c’est ce que j'entends en permanence !".
Emmanuel Macron fait de son côté référence à la nuit de Cristal et dénonce des évènements "qui rappellent les heures les plus indignes de l'histoire". Pour rappel, la nuit de Cristal s'est déroulée, en Allemagne, dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938, et a donné lieu à la destruction de 260 lieux de cultes, 7500 commerces et vu l'assassinat d'une centaine de juifs et juives. 70 000 furent déportés. L'AFP évoque, au sujet de la nuit suivant le match de foot, "c
inq personnes brièvement hospitalisées"
à Amsterdam.
Récit partiel et angles morts
Durant toute la journée du vendredi, la plupart des médias s'alignent sur le narratif israélien et peinent à livrer un récit contextualisé, ou à minima prudent, alors même que le chef de la police d'Amsterdam, Peter Holla révèle lors d'une conférence de presse à la mi-journée que "l
es violences avaient déjà débuté mercredi soir entre supporters"
, et évoque "une nuit avec des incidents des deux côtés"
. Détaillant : "Les partisans du Maccabi Tel-Aviv (ndr - le club israélien) ont retiré un drapeau d'une façade du Rokin et ont détruit un taxi. Un drapeau palestinien a été incendié"
. La dépêche AFP de 13h30 fait référence à des "
heurts dont les
circonstances demeurent pour l'instant floues"
.
Au 13h de TF1, pour rendre compte de cette complexité apparente, on évoque "des individus non identifiés" qui ont "arraché les drapeaux palestiniens" et dont "certains ont entonné des chants anti-palestiniens en pleine rue". Au
20h, le sujet diffusé pose la question : "Les agresseurs ont-ils voulu répondre à ces supporters israéliens qui ont scandé juste avant le match : « Laissons l'armée israélienne gagner pour éliminer les arabes » ?".
Dans le journal de France 2, il est question de "chants anti-arabes et à la gloire de l'armée israélienne"
.
Côté France Info, la prudence est de mise quant au "déroulé des faits", qui n'est "pas encore clair vendredi matin".
Tandis que sur
France Inter, le journal de 9h évoque des "affrontements entre hooligans",
mais ne donne aucun détail. Il faudra attendre celui de 13h pour entendre les termes "provocations israéliennes"
, et celui de18h pour obtenir plus de contexte : les incidents du mercredi sont évoqués, ainsi que des "violences en marge du match",
des "chants haineux contre les arabes"
et des "drapeaux palestiniens arrachés",
tout comme la minute de silence en mémoire des victimes espagnoles des inondations non respectée par le Maccabi Tel Aviv. Près de 24h pour avoir un peu de contexte.
Autre angle mort, le contexte local de tension dans lequel s'est tenu ce match. L'organisation Week 4 Palestine qui juge "
immoral et inacceptable que le Maccabi Tel Aviv soit le bienvenu à Amsterdam et dans la compétition européenne"
avait appelé à un rassemblement pour protester contre la venue du club de foot israélien. La manifestation qui était initialement prévue aux abords du stade a finalement été déplacée par la maire pour des raisons de sécurité. Des éléments que l'AFP évoque dès sa première dépêche du vendredi à 6h12, mais qui ne sont pas repris dans les médias. Tout comme le fait que la police néérlandaise avait déclaré sur X être "particulièrement vigilante"
après plusieurs premiers incidents, "dont un drapeau palestinien arraché d'une façade par des inconnus'"
Minimisation du racisme des hooligans israéliens
Aucun média ne s'interroge sur la nature des victimes : de simples supporters, ou des hooligans ? Peu d'entre eux prennent la peine de s'intéresser au profil des supporters du Maccabi Tel Aviv. Pourtant, comme le rappelle Le Monde, les ultras du club "
se
sont souvent illustrés par leur racisme anti-Arabes et leurs actions menées contre des manifestants hostiles à M. Nétanyahou
". En mars dernier, à l'occasion d’un match contre l'Olympiakos, des ultras du Maccabi avaient lynché trois personnes sur la place Syntagma à Athènes, envoyant l'un d'eux à l'hôpital, comme le rapportait sur X le journaliste indépendant basé à Athènes, Alexandre Kottis. L'ONG New Israel Fund
a d'ailleurs classé les supporters du club comme les fans les plus racistes en Israël juste derrière ceux du Beitar Jerusalem. Ils sont réputés pour hurler des insultes racistes sur les joueurs arabes ou noirs.
Comme le note France 24 avec une vérité presque déconcertante : "Aucun leader européen n’a condamné les chants racistes antiarabes, ni les actions violentes menées par les supporters israéliens".
Aucun leader européen et si peu de médias. Au contraire, les comportements des hooligans israéliens sont même parfois minimisés. Le terme "anti-palestinien"
voire "anti-arabes"
est souvent préféré au pourtant très factuel "raciste". BFM va jusqu'à utiliser une périphrase floue ("des chants qui n'avaient rien à voir avec le match")
plutôt que de nommer les chants racistes, et décrire dans leur exhaustivité ce qu’ils recouvrent.
Par ailleurs, une séquence où l'on voit les supporters du Maccabi arriver à l'aéroport international de Tel Aviv, et entonner des chants racistes glorifiant notamment les bombardements sur les écoles à Gaza, est largement partagée sur les réseaux, et reprise dans The Times of Israël. Mais elle est absente du traitement médiatique français. Dans le JT de France 2, le seul commentaire évoquant les retours des supporters est le suivant : "Le premier avion est arrivé en début d'après-midi à Tel Aviv avec des supporters traumatisés"
.
Des médias vivement critiqués
Certains médias font l'effort de rigueur pour recenser et recouper les informations dont ils disposent, et proposent un récit contextualisé des évènements comme Le Monde, Libération ou encore France 24, au prix de critiques complètement injustes, comme on le verra par la suite.
Quelques médias de gauche proposent un cadrage bien différent. "P
ropos génocidaires : dérapage des hooligans israéliens à Amsterdam"
titre Le Média. L'Humanité aussi s'interroge : "Attaque antisémite ou hooligans pris à leur propre jeux ?".
Mais c'est peu. Et sur les réseaux sociaux où l'hystérie générale est plus palpable, les critiques du traitement médiatique ne tardent pas à arriver.
Sur X, les vidéos d'un certain Bender, (très) jeune vidéaste néérlandais (plus de 420 000 abonnés sur TikTok) qui a filmé le soir du 8, circulent vite. Selon le commentaire du jeune homme - car les images sont sombres et peu compréhensibles -, des supporters du Maccabi Tel Aviv ont bien eu des comportements violents, armés de barres de métal et de pavés qu'ils jettent sur des immeubles arborant des drapeaux palestiniens, des taxis et la police. Bender qui, selon les médias néérlandais aurait autour de seize ans, est rapidement porté aux nues par les internautes français lorsqu'un petit bout de son "reportage" est traduit, sur X, par le compte Caisse de Grève. L'occasion d’exprimer, pour un certain nombre d'internautes, leurs ressentiments à l'égard des médias dits "mainstream" et de glorifier le jeune homme et son
"vrai journalisme"
: "J'ai bien plus confiance dans cette vidéo de sept minutes, qu'en les reportages et analyses des médias dits mainstream, qui ne proposent qu'une lecture unilatérale, trompeuse et complètement mensongère des évènements"
déplore l'un d'eux. Autre réaction : "Le fait que ce soit un enfant et que pendant ce temps on a des plateaux incapables de dire ce qu'il s'est passé, c'est tellement lunaire tout ça".
"Toute contextualisation est déjà pour moi une forme d'indécence"
Sur un grand nombre de plateaux télé, tous les éléments de contexte qui permettent de mieux comprendre des évènements très flous sont directement ou indirectement rejetés. L'un des exemples les plus édifiants se joue - sans trop de surprise - sur TPMP, où Cyril Hanouna impose à son nouveau bouc-émissaire de gauche, Thomas Guénolé, une séance d'humiliation publique alors que ce dernier a osé préciser que les évènements d'Amsterdam ne reflétaient pas l'ensemble des mobilisations pro-palestiniennes. "On est juste là pour s'indigner de ça, on n'est pas là pour faire des débats"
assène Hanouna. L'une de ses chroniqueuses abonde "on n'est pas là pour savoir qui a fait quoi".
AH !
Sur BFM, le président de l'UEJF, Yossef Murciano est clair : "Toute contextualisation est déjà pour moi une forme d'indécence"
, répond-t-il à la présentatrice Ashley Chevalier.
"Ceux qui ont minimisé"
Ce refus de considérer les évènements du 6 et du 7 novembre dans leur intégralité va parfois plus loin. Sur X, la journaliste Judith Waintraub s'indigne du fait que l'AFP évoque des "heurts", pourtant réels. "Honte à France Info qui ment en présentant les événements d’Amsterdam comme un affrontement entre supporters, alors qu'il s'agit d'une chasse aux juifs planifiée et organisée…Ça suffit, nos impôts ne peuvent plus servir à relayer des mensonges !" s'indigne de son côté Julien Dray. Anne Sinclair estime que Le Monde fait aussi "partie de ceux qui ont minimisé".
L'interview, le 8 novembre, du coordinateur de la France Insoumise Manuel Bompard par Romain Desarbres sur CNews est un modèle du genre. En ouverture, le présentateur lui demande de réagir aux événements de la nuit. Voici l'échange qui s'ensuit :
- Je découvre comme vous ce matin ces images et donc s’il y a effectivement eu des agressions...
- comment ça "S'il y a eu", on les voit à l'antenne les agressions...
-Je découvre comme vous les informations, je ne connais pas exactement l'ampleur de ce qu'il s'est passé. Il est évident que s'il y a eu des agressions ou des enlèvements, ils sont inacceptables, de la même manière que j'ai vu aussi circuler des images, s'il y a eu des provocations racistes, s’il y a eu des arrachages de drapeaux...
- Vous cherchez à minimiser, les images ont les voit.
- J'observe que vous avez pour l'instant passé un certain nombre d'images et j'observe qu'il y en a d'autres que vous n'avez pas passées. Par exemple ces supporters israéliens qui disent :« Laissez l'armée israélienne gagner, et allez vous faire foutre avec les arabes ,et elles sont aussi inacceptables.Moi je n'ai jamais été un partisan de la violence, que les choses soient très claires et donc s'il y a eu effectivement des violences,je les condamne.
- Est-ce que c'est de l'antisémitisme ?
- Pour qu'on puisse dire que c'est de l’antisémitisme, il faut pouvoir être en capacité...
- Donc vous ne le dites pas
- ... demontrer des images qui permettent de dire que si ces personnes ont été ciblées c'est parce qu'elles étaient de confession juive, alors c'est de l'antisémitisme.
- Ça vous met mal à l'aise ?
- Non, ça ne me met pas mal à l'aise, j'essaie d'avoir un propos éclairé et équilibré.
Desarbres revient quelques minutes plus tard à la charge, demandant à nouveau à Manuel Bompard, et ce à plusieurs reprises, s'il "condamne" ce qu'il s'est, et s'il est capable, ou non, de condamner "cet acte antisémite". Un échange qui illustre à merveille à quel point, sur certains plateaux, il est difficile - voire impossible - de tenir un discours prudent. La tentative d'équilibre de Manuel Bompard est perçue comme douteuse et déjà, comme une justification des attaques contre les supporters israéliens.
C'est également ainsi qu'est considéré le tweet
(maladroit à plusieurs égards) de la députée LFI-NFP de la 1ère circonscription d’Ille-et-Vilaine, Marie Mesmeur : "Ces gens là n'ont pas été lynchés parce qu'ils étaient juifs, mais bien parce qu'ils étaient racistes et qu'ils soutenaient un génocide"
. La polémique démesurée qui suit va jusqu'au signalement par le ministre de l'intérieur à la procureure de Paris, au titre de l'article 40 du code de procédure pénale, pour "apologie de crime".
Hystérie et erreurs médiatiques
Sur la journée du 8 novembre, 19 alertes AFP tombent comme les jours de très grosse actualité. Elles recensent les déclaration internationales et les mesures prises par le gouvernement israélien.
Sur les réseaux et à la télé, l'emballement se poursuit. Sur CNews, le Président de la commission sport du Crif, Pierre Fraidenraich, évoque des "mort aux juifs"
sans qu'aucune vidéo diffusée n'en apporte la preuve. Des internautes, font même état de "juifs laissés pour mort"
,
alors que le bilan de l'AFP - ce moment là - fait état de cinq personnes légèrement blessées, qui étaient toutes sorties de l'hôpital vendredi midi.
L'animateur Arthur partage sur son compte Instagram une vidéo montrant un homme se faire lyncher par une foule (dont des enfants) puis jeter sur des rails. Il ne s'agit pas d'une vidéo tournée à Amsterdam les 6 ou 7 novembre, mais d'une autre, filmée en mai 2023 ! La séquence est partagée par Alain Jakubowitz ou encore Caroline Yadan, sans qu'ils n'estiment nécessaire de rectifier ou de s'excuser par la suite. Dans l'autre "camp", les vidéos trompeuses circulent également comme ici où un internaute prétend diffuser une séquence où l'on voit un drapeau palestinien brûlé dans l'enceinte du stade d'Amsterdam. Sauf que la scène ne sé déroule pas à Amsterdam.
La panique se retrouve également dans des rumeurs d'enlèvements ou de prise d'otage, relayées par des gros comptes comme celui de Julien Bahloul mais aussi par des médias comme Le Figaro. À 14h l'on apprend via l'AFP que "tous les israéliens dont on était sans nouvelles" ont été "localisés".
Cette précipitation conduit à des erreurs graves du point de vue de la déontologie journalistique. Une journaliste néerlandaise fait savoir sur X que ses images présentées dans un grand nombre de médias européens comme les attaques contre des supporters israéliens montrent en réalité les "supporters du Maccabi" attaquant "des citoyens d'Amsterdam devant la gare centrale après le match".
"Le journalisme consiste à trouver la vérité. Pas à se faire de l'argent en la tordant. Il est temps de respecter la réalité. C'est votre travail"
écrit-elle dans son tweet destiné à Bild, CNN, BBC, le Guardian et le New York Times, avant d'ajouter : "On ne peut pas indiquer qui appartient à qui, les groupes ne sont pas faciles à distinguer les uns des autres, ils portent presque tous des vêtements sombres". Pendant ce temps-là, sur CNews, Céline Pina propose d'"attaquer Rima Hassan" : "il faut peut-être la déchoir de sa nationalité française".
L'emballement collectif sert, sans surprise aucune là non plus, à disqualifier sur tous les plateaux la France Insoumise.
Expliquer n'est (toujours) pas excuser
L'autre "victime", dans cette affaire, c'est la cause palestinienne. Tournent en boucle sur les chaînes d'infos amalgames et confusionnisme pour franchir une étape supplémentaire dans la criminalisation de la lutte pro-palestinienne. Sur LCI, l'on convoque les tags hostiles à Yaël Braun-Pivet en guise de protestation contre sa venue à l’université Lyon-III : Antisémites ! Emmanuelle Halioua suggère de son côté d'interdire le slogan "Free Palestine", puisqu'il est "
systématiquement un appel au chaos et au meurtre".
Attendre des médias qu’ils fassent preuve de prudence vis à vis d'incidents aux circonstances aussi peu claires, qu'ils ne reprennent pas les éléments de langage des autorités sans les mettre à distance, et qu'ils livrent à leurs lecteurs, auditeurs ou téléspectateurs toutes les informations connues afin de contextualiser ce qu'ils commentent, est plus que normal. Et ici comme ailleurs, ce n'est ni une justification de la violence, ni faire son apologie, que d'expliquer, contextualiser et rappeler ce que l'on sait des différents protagonistes d'une affaire. C'est simplement faire son métier de journaliste. De même, expliquer, tenter de reconstituer le déroulé des évènements ne revient pas non plus à nier le caractère antisémite de certaines attaques.
L'antisémitisme est partout, il a explosé aux Pays-Bas, comme chez nous. Pour ce qui est du 7 novembre, des témoignages attestent et du caractère antisémite de certaines agressions, et du fait que les supporters visés n'étaient pas que des hooligans. À France Info, une victime témoigne "ils se sont attaqués à des couples, ils ont poussé la fille par terre. Ils ont pris leurs affaires, certains ont été jetés dans le canal"
. Une autre raconte à RTL, "Ils nous ont crié dessus :
« rats, juifs stupides, rentrez chez vous
»"
. Les enquêtes en cours livreront les informations manquantes pour établir ce qu'il s'est réellement passé cette nuit du 7 novembre. Mais restera ancré, dans la mémoire de beaucoup, ce naufrage médiatique sur un sujet si sensible. Un de plus.