Un an avant Parcoursup, le "scandale" monté en épingle du tirage au sort

Hélène Assekour - - Pédagogie & éducation - 25 commentaires

Il y a un an, de nombreux médias relayaient des images de jeunes en plein désarroi après un refus sur la plateforme admission post-bac (APB), faisant ainsi entrer la question de l'accès au supérieur dans le débat public. Et offrant un coup de pouce au gouvernement pour préparer la réforme de l'accès au supérieur et Parcoursup... qui pose pourtant aujourd'hui également des problèmes.

 

C'était le feuilleton de l'été 2017 : des jeunes bacheliers et bachelières qui découvraient avec effroi que leur place à l'université, pourtant censément ouverte à toutes et tous, n'était plus garantie. En cause : le système d'admission post-bac, APB, qui gérait les demandes des lycéen.nes dans le supérieur. Dans les filières universitaires en tension, le tirage au sort départageait les candidatures. La figure du lycéen ou de la lycéenne, de préférence avec un bac S, recalée parfois malgré d'excellents résultats était alors abondamment relayée.

Mais pourquoi les médias s'étaient-ils soudain penchés sur la question ? Car les années précédentes, de nombreux candidats et candidates restaient déjà sur le carreau. En 2016, par exemple, 33 300 bacheliers n'avaient pas reçu de proposition à l'issue de la procédure d'admission post-bac. Si l'on compare les années 2016 et 2017, il semblerait même que 2017 ait été une meilleure année pour les lycéens. Mi-juillet 2017, près de 87 000 candidat.e.s se retrouvaient sans aucune proposition. Un chiffre important, mais pas inédit : l'année précédente, ils étaient 4 000 de plus. D'après l'étude d'impact, 91% des candidats avaient reçu une proposition d'admission sur un de leurs choix à l'issue d'APB. Toujours à cette date, 84,3% des candidats avaient vu un de leurs vœux satisfaits, un taux supérieur aux années précédentes.

Quant au tirage au sort, point d'innovation : il était déjà utilisé depuis quelques années, surtout dans la filière Sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps). Le Monde avait montré via une plongée dans ses archives à quel point le sujet des "recalés du supérieur" n'était pas nouveau : dans les années 90, déjà, des "sans-fac" étaient laissés sur le carreau. Et en 1996, le Minitel avait été utilisé pour départager les candidat.e.s... de la filière Staps, déjà.

les récalés de médecine

Quoi de neuf, alors, en 2017 ? Le début des hostilités a en fait commencé début juin, lors des premiers résultats d'APB. A ce moment-là, et pour la première fois, 857 lycéen.nes d'Ile-De-France se retrouvent recalés de la fac de médecine. Jusque là, le tirage au sort s'abattait essentiellement sur la filière Staps, mais lorsque de futurs étudiants et étudiantes en médecine à Paris sont concernés,  voilà qui intéresse davantage les médias. Le cas touche pourtant une très petite minorité de personnes, et n'est guère représentatif des lycéens qui se retrouvent sans aucune affectation, qui sont en majorité lauréats d'un bac professionnel. D'ailleurs, le cas de la médecine a rapidement été réglé, puisque après intervention du ministère, des places ont été trouvées pour tous et toutes.

Quoi qu'il en soit, le nombre de licences concernées par le tirage au sort avait effectivement fortement augmenté, passant de 78 en 2016 à 169 en 2017. Combien de bacheliers ont été concernés par le tirage au sort ? Et comment définit-on un.e lycéen.ne "concerné.e par le tirage au sort" ? Prenons le cas des personnes qui n'ont pas obtenu leur premier vœu en raison du tirage au sort. En 2017, au 14 juillet, ils étaient environ 9 700 dans cette situation (dont 63% avaient tout de même reçu une proposition sur un de leurs vœux suivants). Seulement 2 465 d'entre eux étaient des bacheliers de l'année, les autres étant des étudiant.e.s en réorientation, non prioritaires sur APB. La sociologue Corinne Eyraud, a calculé que cela représentait 0,4% des 627 000 bachelier.e.s de l'année, et 1,1% de l'ensemble des inscrit.e.s sur APB. 2017 n'a semble-t-il d'ailleurs pas été une année exceptionnelle, puisqu'en 2016, 2 300 bacheliers avaient été écartés de leur vœu n°1 à cause du tirage au sort, et plus de 7 000 en 2015.

Un manque criant de places

Quant au problème des lycéen.nes laissés sur le carreau, il ne peut se résumer au tirage au sort. Existent aussi de nombreuses filières sélectives (classes prépa, BTS, DUT, etc.), et surtout un manque criant de places, dans un contexte de hausse démographique pourtant prévisible. APB avait dû gérer 40 000 candidatures supplémentaires en 2017 par rapport à l'année précédente. Mais en insistant sur le tirage au sort, injuste et unanimement rejeté, la ministre de l'Enseignement supérieur Frédérique Vidal a pu préparer la mise en place d'une sélection sur "prérequis", système alors perçu comme plus loyal. La notion de prérequis existait déjà dans le programme d'Emmanuel Macron. Ne manquait qu'un scandale monté en épingle pour rallier l'opinion publique à la réforme de l'accès à l'université. Depuis deux jours, et les premiers résultats de Parcoursup, pourtant, ce sont la moitié des lycéens et lycéennes qui se sont retrouvés sans réponse positive, soit 400 000. Un chiffre réellement inédit, cette fois.

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