Trump, candidat aux "idées peut-être efficaces" (Mediapart)

Anne-Sophie Jacques - - 0 commentaires

Faut-il commencer à prendre Donald Trump au sérieux ? Après la victoire de trois premières primaires sur quatre du candidat républicain, Mediapart épluche le programme de Trump afin de comprendre le succès de ce personnage certes loufoque, mais qui séduit la base électorale républicaine. Début de retournement dans la presse française ?

Où s'arrêtera donc la plaisanterie Donald Trump ? se demandait-on en juillet dernier alors que le milliardaire et candidat à la candidature républicaine était en tête des sondages mais aussi la risée (et surtout l’attrape-clics) des médias. Huit mois plus tard, on doit constater que la plaisanterie est loin d’être finie : si Trump continue d’exaspérer, il vient de remporter trois des quatre premières primaires américaines. Ces victoires inattendues ont poussé Thomas Cantaloube et Iris Deroeux, les deux journalistes de Mediapart qui suivent les primaires américaines, à analyser le programme du candidat pour tenter de comprendre pourquoi ce personnage "difficilement saisissable" séduit la base électorale républicaine. Et d’admettre que Trump "réussit mieux que ses concurrents à puiser dans le réservoir d’angoisses, de fantasmes et d’idéaux des électeurs républicains ; et à y répondre".

Parmi ces réponses, Mediapart examine la proposition de Trump – à première vue loufoque – de construire un mur entre les Etats-Unis et le Mexique. Loufoque voire à côté de la plaque vu que "le solde migratoire mexicain vers les États-Unis serait négatif depuis la crise de 2009". Mais Trump répond à une partie de l’électorat convaincu que "la main-d’œuvre illégale bon marché leur vole leurs emplois". Ainsi, contrairement à ses adversaires qui restent flous, Trump "s’est imposé comme un candidat pragmatique, aux idées radicales et peut-être efficaces" assure Mediapart qui précise que "de fait, la frontière est déjà une zone ultra militarisée, équipée depuis 2006 de clôtures de tôle ou de grillages sur plus de 1000 kilomètres, et surveillée par 18 000 hommes". Et de citer les propos de l’ancien diplomate Stephen R. Kelly dans le New York Times qui, avec un brin de cynisme, assure que Trump n’aura qu’à finir le boulot.

Autre terrain surprenant pour un Républicain : Trump défend un certain protectionnisme. "Depuis l’été dernier, explique Mediapart, il a promis de limiter les délocalisations, d’augmenter les taxes sur les produits importés […], de hausser l’impôt sur les plus fortunés, notamment les dirigeants de hedge funds… Il se prononce aussi contre les grands accords de libre-échange que les États-Unis négocient d’une part avec onze pays d’Asie (le TTP, signé en octobre), d’autre part avec l’Union européenne (le TTIP, en cours), en soulignant que ce genre de traités ne crée pas d’emplois". Un discours qui tranche avec la position des autres candidats républicains même si Mediapart souligne que le sénateur Rob Portman, grand défenseur des accords de libre-échange, se dit aujourd’hui opposé au TPP.

Enfin, Trump s’est positionné en faveur du planning familial, bête noire des Républicains. Si Trump est élu, raconte Mediapart, "les plannings recevront donc des financements fédéraux mais ne pourront pas s’en servir pour financer les IVG, explique-t-il, se posant ainsi comme un vrai conservateur mais capable de faire dans la nuance. Le tout, sans jamais expliquer que c’est précisément la situation actuelle". De même, "Donald Trump insiste sur le fait que, lui, n’a rien contre Medicaid (couverture santé pour les plus pauvres), Medicare (couverture santé pour les retraités) et la sécurité sociale(le nom du programme public de retraite). Pourquoi ? Parce que sous sa présidence, «nous serons si riches» qu’il sera inutile d’y toucher".

Conclusion du site : "Trump est hors norme et imprévisible, vulgaire et nombriliste, il promeut un discours raciste et caudilliste, […] et pourtant… il gagne. Parce qu’il a parfaitement intégré la révolte populaire contre les élites, mais aussi le ras-le-bol des Américains, y compris conservateurs, contre les politiques néolibérales qu’ils subissent depuis trente ans. Contrairement [au "socialiste" et candidat à la primaire des démocrates] Bernie Sanders, qui surfe sur la même vague mais qui est d’un seul bloc, cohérent politiquement et dans le temps, ouvert et inclusif, Donald Trump est, lui, un condensé de paradoxes, dont beaucoup sont fort peu ragoûtants. Mais […] il a su toucher une corde sensible."

Une analyse qui tranche avec un récent article de Cantaloube qui comparait les programmes de Sanders et Trump ainsi que leurs meetings politiques. Et à quoi ressemble un meeting du candidat républicain selon le journaliste de Mediapart ? A "un monologue face à son miroir, beau miroir. C’est décousu, répétitif, autocentré, mais cela a le mérite de la spontanéité si l’on goûte aux spectacles d’improvisation. […] Trump ne parle pas aux gens, il se parle à lui-même. Et les piliers de bar bavards, tout milliardaires qu’ils soient, finissent toujours par lasser les autres clients avinés qui veulent, eux aussi, qu’on les écoute". Visiblement les autres clients avinés en redemandent.

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