Télés et journaux sabordent le réferendum ADP (Le Média)

Juliette Gramaglia - - 16 commentaires

Comparée au marathon macronien du "'Grand Débat", surmédiatisé pendant des semaines, la pétition pour un référendum sur la privatisation d'Aéroports de Paris (ADP), à l'initiative de l'opposition, reste invisible. C'est ce qu'explique Le Média dans une vidéo publiée le 1er août.

Si vous ne suivez pas l'actualité avec la plus grande attention, vous avez très bien pu passer à côté de la pétition pour un référendum sur la privatisation d'Aéroports de Paris. C'est à cette conclusion qu'est arrivé Le Média, et son journaliste Lucas Gautheron, dans une vidéo publiée le 1er août. 

Le journaliste explique s'être penché sur le profil des signataires de cette pétition, dont le lancement le 13 juin dernier a été émaillé de nombreux problèmes, du piètre référencement du site à l'impossibilité pour certains de signer la pétition. La liste de signataires (un peu moins de 590 000 d'après le compteur de Checknews) permet de répartir les signatures par communes. D'après ses recherches, les communes ayant le plus voté France Insoumise pendant la présidentielle de 2017 ont réuni le plus de signataires. A contrario, celles concentrant un fort vote Rassemblement National en 2017 sont celles où il y en a le moins. Gautheron établit également un parallèle entre le pourcentage de la population engagée dans des études supérieures et le pourcentage de signataires : plus la population d'une commune est diplômée, plus il y a de signataires. Il en conclut que "pour être au courant, il faut être très impliqué politiquement, très informé, et ce sont des biais qui favorisent les personnes les plus diplômées".

13 000 articles sur le Grand Débat, 500 sur ADP

Pour illustrer ce "défaut d'information", Le Média a décidé de comparer la médiatisation de la pétition avec celle du Grand Débat, en analysant les occurrences des deux événements dans les 30 jours suivant leur démarrage respectif. Le site a quantifié le nombre d'articles publiés dans la presse écrite et le nombre de sujets du 20 heures de France 2. Le résultat est édifiant (voir extrait vidéo). 

Nous avons de notre côté examiné les 20 heures de TF1 et France 2 les sept premiers jours du Grand Débat. Du 15 janvier au 21 janvier, France 2 y a consacré de un à quatre sujets par soir (à l'exception du 19). Sur TF1, le 20 heures a consacré pas moins de six sujets à l'ouverture du Grand Débat le 15 janvier, puis un à deux sujets par soir, à l'exception du 21 janvier. Une part non négligeable de ces sujets se concentrait sur les "performances" d'Emmanuel Macron (ses "débats-marathons"), comme le montre notre montage ci-dessous.

Un temps d'antenne qui paraît d'autant plus disproportionné lorsqu'on le compare à la médiatisation de la pétition pour un référendum. Au 20 heures de France 2, le sujet n'a été évoqué qu'une fois la première semaine, le 18 juin, pour évoquer les différents bugs qui ont émaillé les premiers jours de la plateforme. Nous n'avons pas retrouvé trace d'un sujet dédié à la pétition au JT de TF1. 

"On peut exiger de France 2 qu'ils se mettent au service d'un intérêt général"

Pas de doute, pour Lucas Gautheron, l'information autour de la pétition, une première depuis l'instauration du RIP (référendum d'initiative populaire), "a été sabordé[e] de bout en bout par les médias". Auprès d'Arrêt sur images, le journaliste explique avoir eu l'idée de comparer la médiatisation du Grand Débat et de la pétition après avoir entendu des parlementaires faire ce rapprochement.  "Les deux sont un mode original d'activité démocratique. C'était la première fois que ça arrivait, dans un cas comme dans l'autre, et ça pouvait susciter de la curiosité de la part des médias", explique-t-il. Notamment de la part de France 2, insiste le journaliste. "France 2 a une mission de service public. On peut exiger d'eux qu'ils se mettent au service d'un intérêt général."

Pour établir son corpus, un peu plus de 150 médias, "dont Le Monde, Les Echos, La Croix, Le Figaro, Ouest France, Sud Ouest, L'Express, Le Point", précise-t-il, Gautheron s'est appuyé sur le site Europresse, un agrégateur de médias (dont les médias français) accessible sur abonnement. Europresse recense les éditions papiers et web d'une très large partie des médias nationaux et régionaux français, quotidiens et hebdomadaires - à noter que Mediapart, pureplayer, ne fait pas partie de la base de données. Dans le cas de la pétition pour le référendum, Gautheron a effectué une recherche avec le mot-clé "Aéroport de Paris". Le journaliste soupçonne que certains articles contenus dans les résultats n'évoquent pas la pétition. La proportion d'articles dédiés au sujet... pourrait donc être plus basse encore. Logiquement, le compteur des signataires continue de stagner, alors que la pétition doit atteindre 4,7 millions de signatures d'ici mars 2020 pour déclencher le référendum. 

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