Sondages 2012 : les approximations continuent

Dan Israel - - 0 commentaires

Sondages en pagaille, suite. Deux nouvelles études d'opinion concernant l'élection présidentielle de 2012 sont en cours de médiatisation avancée. Elles traitent toutes deux du "meilleur candidat de la droite". L'une met Nicolas Sarkozy et Dominique de Villepin "au coude-à-coude", l'autre tranche carrément en faveur de François Fillon, devant le Président. Mais, comme très souvent, leur lecture laisse perplexe.

"Villepin crée la surprise", "Le sondage qui change la donne"… Pour vanter l'intérêt de son sondage, réalisé par BVA, Le Parisien n'y est pas allé de main morte ce matin.

Or, qu'apprend-on en le lisant attentivement ? Une bouleversante révélation : les sympathisants de gauche interrogés sont quatre fois plus nombreux à apprécier Dominique de Villepin que Nicolas Sarkozy. Etonnant, non ?

 

 
Bien sûr, ce n'est pas ainsi que l'étude est "vendue". Le Parisien préfère insister sur un chiffre global : lorsqu'on leur demande qui ils préfèreraient "voir représenter la droite en 2010", l'ensemble des personnes interrogées placent Sarkozy et Villepin à égalité, à 15%. C'est ce qu'a choisi d'illustrer le journal dans son infographie. Mais en lisant en détail l'article qui l'accompagne, ainsi que l'interview de notre récent invité, Jean-Daniel Lévy de CSA, on apprend que ce dont le journal s'étourdit ("Les deux hommes qui se haïssent le plus se retrouvent au coude-à-coude!") n'a en fait aucun sens : "Il est vrai que Villepin, comme le relève Jean-Daniel Lévy, directeur de CSA, doit sa percée notamment aux sympathisants de gauche (ils sont 20% à souhaiter le voir représenter la droite, alors que la famille UMP, relativement soudée derrière Sarkozy, ne lui accorde que 5%)."

Pour le comprendre, il faut plonger dans les chiffres fournis par CSA (ici en PDF), et qui n'apparaissent pas tous dans le journal : 5% des sympathisants de gauche ont désigné Sarkozy, contre 20% qui ont choisi Villepin. Mais les données changent radicalement lorsqu'on s'intéresse aux sympathisants de droite, qui ont choisi Sarkozy à 39% (et Villepin seulement à 11%), et encore plus lorsqu'on n'interroge que les sympathisants UMP, dont 45% désignent Nicolas Sarkozy, (contre 5% pour Villepin). On constate donc que ce sont les sondés proches de la gauche qui créent artificiellement une bonne cote pour Villepin. Or, même s'ils le "préfèrent", combien de gens de gauche voteraient pour un Villepin intronisé par la droite, face aux candidats traditionnels du PS, du Front de gauche et de la LCR ? Assurément très peu.

Soulignons aussi, comme dans le sondage sur DSK d'hier, que les questions ne portent pas sur les intentions de vote, et qu'elles sont donc à manipuler avec encore plus de pincettes.


Fillon plus fort que Sarkozy ?



Par ailleurs, il est également permis de relever une très forte divergence entre certains chiffres trouvés par CSA et ceux mis en avant par BVA dans une autre enquête, concernant cette fois François Fillon. Dans les chiffres CSA pour Le Parisien, il apparaît que les sympathisants UMP ne choisiraient François Fillon qu'à 25% (contre 45% pour Sarkozy, donc). Or , BVA, dans un sondage commandé par Les Inrockuptibles pour fêter le renouvellement total de leur formule dans leur numéro paraissant demain, indique que 52% des sympathisants UMP choisiraient François Fillon comme "meilleur candidat pour la droite", et que seulement 37% opteraient pour Nicolas Sarkozy (le PDF est ici).

Les questions ont été posées quasiment de la même manière, au même type de public, à des dates équivalentes, et avec des techniques de sondage comparables. En bref, rien n'explique ces différences de chiffres.

Une munition de plus dans notre dossier "Sondages, l'arme fatale".

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