"Snowden : un pigeon, un pion ou tout simplement naïf ?" (Slate)

Vincent Coquaz - - 0 commentaires

Ne pas gracier Snowden ! Un chroniqueur américain de Slate.com prend le contrepied de la tribune du New York Times qui prônait la "clémence" pour l'informaticien américain. Pour lui, Snowden, menteur et mégalomane, a mis la sécurité nationale en danger.

Oui Snowden a permis de lancer un débat d'importance et peut être d'engager des réformes nécessaires pour la NSA mais non, ce n'est pas le héros que l'on veut faire de lui et il doit être condamné pour être allé "trop loin". C'est la thèse développée par un chroniqueur de Slate.com, Fred Kaplan, ancien journaliste au Boston Globe, quotidien US se définissant comme "progressiste", et auteur d'un livre critique sur la politique de guerre préventive pronée par George W. Bush (Daydream Believers). Sa prise de position fait écho à l'édito du New York Times qui appelait à "la clémence pour Snowden".

 

picto"Il ne faut pas gracier Edward Snowden"


Tout en se gardant bien de l'accuser de trahison (passible de la peine de mort), la chronique de Kaplan insiste lourdement sur le fait que les documents révélés par l'ancien employé de la NSA ne contenaient pas seulement des éléments sur la surveillance interne et celle d'alliés des Etats-Unis.

 

 

"Snowden est allé beaucoup plus loin. Les documents qu'il a fournis à Barton Gellman, du Washington Post, et à Glenn Greenwald, du Guardian, ont permis, jusqu'à ce jour, de révéler l'interception par la NSA des communications de combattants talibans au Pakistan; une opération visant à évaluer la fiabilité des recrues de la CIA [...] Ces opérations n'ont rien à voir avec de la surveillance intérieure ni avec l'espionnage d'alliés. Elles ne sont ni illégales, ni inconvenantes et encore moins immorales [...] Les révéler n'a rien à voir avec du «lancement d'alerte»" développe le journaliste. Au passage, il renvoie pour chacune de ces informations vers le site du très sérieux Washington Post (ici, et ), sans noter que le quotidien...aurait pu lui aussi choisir de ne pas les diffuser.

Au-delà de la mise en danger de la sécurité nationale, la suite des arguments de Kaplan s'appuie sur des considérations d'ordre moral. Il s'insurge par exemple contre le portrait "incomplet" dressé par le New York Times pour qui Snowden a "volé une quantité de documents hautement confidentiels après avoir tristement pris conscience de la voracité de l'agence." En se basant sur une interview publiée par le journal hong-kongais South China Morning Post, Kaplan démontre au contraire que Snowden a menti puisqu'il a accepté le poste de sous-traitant de la NSA dans le seul but de récolter des preuves de surveillance de la NSA. Le tout, selon Reuters, en mentant à plusieurs collègues pour obtenir leurs identifiants de travail.

Selon Reuters, Snowden a menti.picto

"Est-ce qu'on saisit pourquoi les chances de clémence de Snowden fondent comme neige au soleil? Il se fait engager [...] dans le seul but de dérober des documents hautement classifiés. Pour la plupart de ces documents, il y accède en mentant à ses collègues (qu'il transforme en complices involontaires). Puis il s'enfuit à Hong Kong (protectorat de la Chine, surtout en matière de politique étrangère) avant de se rendre en Russie" résume le chroniqueur. Et visiblement, le journaliste a peu goûté les remerciements de Snowden aux "démocratures" que sont la Russie et la Chine pour leur accueil, sans qu'il ne révèle quoi que ce soit de leurs pratiques douteuses de surveillance (alors que les documents auquel il a eu accès traitent problablement du sujet, selon Kaplan).


Kaplan ironise également sur la "mégalomanie et l'aveuglement" de Snowden qui déclarait avoir "pris un très grand risque personnel pour aider les peuples du monde, qu'importe que ces peuples soient américains, européens ou asiatiques". Dès lors, pour Kaplan, "on ne peut s'empêcher de se demander s'il est un pigeon, un pion ou tout simplement quelqu'un d'extraordinairement naïf".

Ce n'est pas la première fois que Kaplan prend à rebrousse poil les appels à libération concernant les "lanceurs d'alerte". Cet été il avait déjà estimé que la condamnation de Bradley (désormais Chelsea) Manning à 35 ans de prison, pour avoir transmis à Wikileaks près de 700 000 documents confidentiels (on en parlait ici), n'était "pas démesurée" compte tenu de l'ampleur et des dangers qu'impliquaient ses révélations.

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