Le New York Times demande la "clémence" pour Snowden
Gilles Klein - - 0 commentairesSnwoden a peut-être commis un délit, mais il a rendu service à son pays. Dans une longue tribune très argumentée le New York Times demande, ce jeudi, qu'Eward Snowden, l'ex-agent de la CIA actuellement en fuite à Moscou, puisse rentrer aux USA et bénéficie de la clémence des autorités. A Londres, même plaidoyer du Guardianqui salue le courage de l'ex-espion, tandis qu'une partie de la presse internationale place Snowden parmi les personnalités de l'année 2013
Le plus célèbre quotidien américain prend position de manière spectaculaire en faveur du retour aux USA d'Edward Snowden qui a dévoilé l'étendue de l'espionnage mondial pratiqué par la National Security Agency (NSA). "Il y a 7 mois le monde a commencé à découvrir l'étendue de l'emprise de la NSA sur la vie privée de centaines de millions de personnes aux USA et dans le reste du globe" rappelle une longue tribune signée de la rédaction du New York Times publiée en page 16 de son édition du 2 janvier. "Le public a découvert en détail comment l'agence a dépassé les limites de la mission qui lui a été confiée, et abusé de son autorité" ajoute le quotidien qui note que "deux juges fédéraux ont déja considéré que la NSA violait la Constitution (même si malheureusement, un troisième a jugé l'espionnage téléphonique comme légal)." "Compte tenu de l'importance énorme des informations et des abus qu'il nous a révélés, M. Snowden mérite mieux que la peur, la fuite et une vie d'exilé permanent. Ce faisant, il a peut-être commis un crime, mais il a rendu un fier service à son pays. Il est temps que les États-Unis offrent à M. Snowden une négociation ou une certaine forme de clémence qui lui permettrait de rentrer chez lui, pour bénéficier d'une peine sensiblement réduite vu son rôle de lanceur d'alerte." Le journal rappelle que Snowden est sous le coup de trois accusations (deux d'espionnage, et une de vol de documents appartenant à l'Etat fédéral), chacune passible de 10 ans de prison. Et il fera sans doute l'objet d'autres accusations lorsque l'affaire sera évoquée devant un grand jury. Le tout pourrait donc lui valoir une condamnation à vie. Le New York Times souligne que Snowden a déclaré au Washington Post qu'il avait prévenu deux de ses supérieurs des abus qu'il constatait mais qu'ils n'avaient rien fait. |
Si Snowden a commis une faute, le New York Times estime que la NSA en a commis énormément.
Elle a, entre autres, violé les lois fédérales sur la vie privée et dépassé les limites de son mandat, des milliers de fois, selon les conclusions de l'audit interne qu'elle a, elle même, lancé. La NSA s'est introduite dans les centres de communication des plus grands centres de données dans le monde entier, provoquant la colère des sociétés Internet qui les possèdent, ce qui lui a permis ainsi de pouvoir espionner des centaines de millions d'utilisateurs.
Le directeur de la National Intelligence, James Clapper Jr a menti volontairement devant le Congrès en mars dernier lorsqu'il a démenti toute collecte d'information sur des millions d'Américains aux USA, alors que la NSA est censée n'intervenir qu'à l'étranger. Le New York Times remarque que l'on attend toujours qu'il soit condamné pour ce mensonge.
L'appel du New York Times d'aujourd'hui est très commenté sur Internet bien sûr.
Huffington Post USA et Business Insider
Tout en saluant l'initiative du New York Times, le Guardian britannique qui avait été au coeur des révélations de Snowden, publie lui aussi, aujourd'hui, un éditorial en faveur du "pardon" à Snowden.
Pour le Washington Post, le ton est différent. Dans ses pages Opinion à côté de l'éditorial, un article dénonce, hier, "L'insupportable Snowden" un "mégalomaniaque" indifférent aux conséquences de ses actes, totalement satisfait de lui-même, imbu de sa personne. L'article consent quand même que l'intrusion dans la vie privée des Américains dénoncée par Snowden est troublante, mais le Washington Post considère que la menace est surestimée par Snowden, alors qu'il a provoqué des dégats durables qui menacent la sécurité des USA.
Tout le monde ne souhaite pas que l'on pardonne à Snowden, ou que l'on fasse preuve de clémence à son égard. Que la BBC donne la parole à un tel homme est "anti-patriotique" titre, aujourd'hui le Daily Mail. Le tabloïd britannique ne décolère pas : la BBC donne la parole à Julien Assange (Wikileaks) tandis que la chaîne Channel 4 offre son micro à Snowden à l'occasion des fêtes.
A l'opposé, le Nelson Mail (Nouvelle Zélande) salue le "lanceur d'alerte" qui est entré dans l'histoire, en payant très cher pour nous donner la possibilité de fixer les limites de notre vie privée face à la curiosité des gouvernements, qui disposent, chaque jour, de plus de technologies pour nous surveiller.
Le débat déborde en dehors des pays anglo-saxons, comme le montre la double page parue dans le quotidien The Hindu (Inde) qui place Snowden en tête des personnalités qui ont marqué l'année 2013. L'ex-espion américain devance même les personnalités indiennes, ou l'incontournable Mandela.
De son côté, le Goteborg-Posten le 30 décembre estime que Snowden ne doit pas s'attendre à la moindre clémence de la part de la justice américaine s'il tombe entre ses mains. Ceci bien que l'opinion internationale voie sans doute les choses autrement, choquée par les écoutes illégales, et l'espionnage des téléphones de dirigeants comme la présidente brésilienne ou Angela Merkel.
Pour le quotidien estonien Ohtuleht, du 31 décembre Snowden est l'homme de l'année 2013.
Le défunt président vénézuélien Chavez, Snowden, le pape, et Mandel :, le jeune Américain est en bonne compagnie dans la page rétrospective de l'année 2013, du grand quotidien mexicain Milenio (qui salue, au passage, l'intervention française au Mali).
Et enfin pour le canadien National Post du 31 décembre, Snowden qui a dénoncé "l'homme qui lit mes emails" est un héros.