Sarkozy/financement libyen : deux journalistes de Mediapart accusent Le Point
La rédaction - - Silences & censures - 0 commentairesLe Point aurait-il étouffé un article mettant en cause Nicolas Sarkozy dans l'affaire du financement libyen de sa campagne de 2007 ?
C'est ce qu'affirme le dernier livre d'enquête des deux journalistes de Mediapart Fabrice Arfi et Karl Laske, Avec les compliments du Guide (éd. Fayard). Les deux journalistes y racontent un événement remontant à 2014. A l'époque deux journalistes, Michel Despratx et Geoffrey Le Guilcher proposent au Point l'interview réalisée en Égypte de Ahmed Kaddaf Eddam, "cousin et conseiller de Khadafi, qui figurait parmi «les plus écoutés du Guide» selon la DGSE", racontent Arfi et Laske. Dans cette interview, Eddam "livre aussi, sur l'argent, quelques confidences embarrassantes pour Nicolas Sarkozy", lit-on dans le livre.
Mais peu avant la publication de l'interview, le directeur du journal Etienne Gernelle, avec qui les deux journalistes Despratx et Le Guilcher "font directement affaire", décide de décaler sa parution. Gernelle témoigne dans l'ouvrage : "Les deux types [Despratx et Le Guilcher, ndlr] qui nous avaient apporté le sujet ont voulu signer avec un troisième, en qui nous n'avions pas confiance. Un gars qui avait une boîte de conseil, mais je ne me souviens plus de son nom". Ce "gars", c'est leur "fixeur en Égypte", répond Le Guilcher, ajoutant qu'il "n'y avait évidemment aucun souci à retirer sa signature comme nous l'avait demandé Gernelle". Malgré cela, l'interview d'Eddam ne sera pas publiée dans Le Point.
Pourquoi ? Les journalistes de Mediapart avancent une autre explication : un appel entre Véronique Waché, attachée de presse de Sarkozy, qui a été contactée par Despratx pour réagir à l'interview et le directeur du Point. A l'époque, Waché est sur écoute. Le livre retrace la conversation entre les deux. Une conversation durant laquelle, selon les deux journalistes, Gernelle "se veut rassurant" face à l'attachée de presse. Il explique, selon les auteurs : "On n'est pas Mediapart, à accuser les gens sans preuves. [...] On ne va pas titrer «L'homme qui accuse Nicolas Sarkozy»". Mais aussi que "c'est ridicule de monter un truc sur Sarko à partir de ça, parce que ça n'a pas de sens, il n'y a pas de preuve". Auprès des deux journaliste de Mediapart, auteurs du livre, Gernelle dément toute pression, mettant en avant les relations "détestables" entre Le Point et l'équipe de Sarkozy.
L'interview, finalement abandonnée par Le Point, sera publiée en septembre 2014 dans L'Express. Eddam y assure que Khadafi aurait financé la campagne électorale de 2007 de Sarkozy. "Muammar [Khadafi] parlait d'un soutien financier", déclare-t-il également. Et d'ajouter que "plusieurs sources m'ont confirmé ces financements secrets", tenant à garder ces sources secrètes. Il n'apporte aucune preuve de ses assertions, assurant que "quantité de preuves ont été détruites".
Ce jeudi 19 octobre, Gernelle se défend à nouveau sur le site du Point d'avoir étouffé un article après des pressions des proches de Sarkozy. Dénonçant une "théorie complotiste", il réaffirme que le problème venait du troisième homme, dont on ignore le nom. Gernelle assure que l'homme "possède une société de conseil", ajoutant qu'il est "visiblement implanté au Moyen-Orient" - on n'en saura pas plus. Une défense de Gernelle que l'on pouvait déjà lire dans l'ouvrage d'Arfi et Laske.
Mais Gernelle s'en prend aussi à la publication d'écoutes, "liberticides" selon lui, entre une attachée de presse et un journaliste par les deux auteurs du livre. Un procédé qu'il qualifie de "méthodes malhonnêtes". La méthode n'a en tout cas rien de nouveau : Mediapart a plusieurs fois publié le récit d'écoutes téléphoniques, comme celles entre Sarkozy et son avocat Thierry Herzog.
Pour (re)plonger dans un des nombreux volets de l'affaire du financement libyen de la campagne de Sarkozy en 2007 : "Financement libyen: Takieddine dit avoir livré 5 millions d'euros à Sarkozy"