Quotidien chinois et lutte pour le pouvoir

Gilles Klein - - 0 commentaires

Une rédaction ne veut pas de son nouveau rédacteur en chef considéré comme proche du pouvoir chinois. Les journalistes du quotidien chinois Ming Pao, publié à Hong Kong, protestent contre la nomination d'un rédacteur en chef proche du Parti Communiste, pour remplacer l'actuel patron de la rédaction qui souhaitait rester à son poste. Une affaire qui lllustre les luttes au sein du pouvoir chinois.

Trop proche du pouvoir. Début janvier, la direction du quotidien chinois Ming Pao, publié à Hong Kong a annoncé que Kevin Lau Chun-to, rédacteur en chef (connu pour son indépendance, en photo à gauche) allait être remplacé par Chong Tien-siong, un journaliste malaisien (basé à Singapour jusqu'à présent), considéré comme un fervent soutien du Parti Communiste Chinois (PCC).

Etonnement de la rédaction qui estime qu'un journaliste étranger venu de Singapour ne connaît pas assez Hong Kong et ses enjeux pour résister aux pressions diverses, et comprendre le caractère particulier du statut de Hong Kong face au pouvoir central chinois.

Tien-siong est mis en avant par le propriétaire du journal, Tiong Hiew King, un homme d'affaires malaisien qui a fait fortune dans le bois (il est accusé de contribuer à la destruction de la forêt tropicale). King possède aussi deux journaux en chinois, proches du PCC, publiés en Malaisie.

Début janvier, 90% de la rédaction, forte de 270 personnes, a signé une pétition demandant des explications à la direction.

Les journalistes (ci-dessus à l'entrée du journal le 7 janvier dernier) sont inquiets car jusque là Ming Pao s'était fait remarquer par son indépendance et sa dénonciation des atteintes aux droits de l'homme.

Hier 4 journalistes de Ming Pao ont, en signe de protestation, laissé certaines rubriques vides signale Zhulin Zhang sur Twitterpicto

Par exemple, Ming Pao s'était déclaré favorable à ce que le gouvernement de Hong Kong accorde une licence à la société HKTV qui voulait créer une nouvelle chaîne de télévision. Or, son propriétaire, Ricky Wong Wai-kay, trop indépendant, inquiète les autorités chinoises.

Fait marquant : bien que l'autorité de régulation de la radiodiffusion se soit déclarée favorable à l'octroi d'une licence, celle-ci a finalement été refusée.

Tout cela intervient alors que Wong essaie aussi de créer une chaîne destinée aux téléphones mobiles. Il a d'ailleurs déjà passé un accord avec China Mobile (le plus grand opérateur du monde avec plus de 750 millions de clients) pour lui racheter sa licence dans ce domaine, mais l'opération semble aussi bloquée souligne Asia Sentinel.

Cette nomination à la rédaction en chef de Ming Pao, s'inscrit dans la stratégie déja ancienne de contrôle des médias par le PCC. Avant même que Hong Kong ne passe sous pavillon chinois en 1997, le PCC a commencé à surveiller les médias publiés dans cette ancienne colonie britannique. Une stratégie qui s'accèlère car le gouvernement chinois a promis que l'élection du patron de l'exécutif de Hong Kong se ferait sur la base du suffrage universel à partir de 2017, et de même pour les élections au Parlement à partir de 2020.

Au-delà de Hong Kong, c'est le pouvoir central chinois du PCC qui est en cause. Certains hommes d'affaires qui contrôlent les groupes de presse sont vus comme des prête-noms aux ordres du PCC. Et il servent à l'occasion de relais aux bagarres qui opposent des factions du PCC entre elles.

"Nous risquons de perdre la liberté de la presse" dit le ruban qui entoure une couronne de fleurs déposée à l'entrée de l'immeuble du Ming Pao à Hong Kongpicto

Dernier exemple en date de ces luttes internes par presse interposée, lorsqu'un millionnaire chinois, inconnu à l'étranger, Chen Guangbiao (comme @si le signalait) a tout d'un coup annoncé son intention de racheter le New York Times. Considérée comme peu crédible, et la suite l'a prouvé, l'information a été ignorée par la majorité des journaux chinois, mais, par contre Ming Pao lui a donné un large écho. Ceci bien que certains observateurs chinois aient parlé de canular, et qualifié Guangbiao d'hypocrite et d'idiot.

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