Pologne : un autre ministre enregistré à son insu

Gilles Klein - - 0 commentaires

Nouvelles écoutes compromettantes pour des personnalités politiques polonaises. Après une conversation entre le président de la Banque Nationale et le ministre de l'Intérieur, publiée la semaine dernière, c'est, entre autres, l'actuel ministre des Affaires étrangères qui voit ses propos très critiques envers les USA, et le Premier ministre britannique, publiés par l'hebdomadaire polonais Wprost.

Radoslaw Sikorski, chef de la diplomatie polonaise, explique, en termes peu diplomatiques, à Jacek Rostowski, l'ex-ministre des Finances, tout le mal qu'il pense de l'alliance enre la Pologne et les USA. Ces propos auraient été enregistrés dans un restaurant de Varsovie en début d'année.

Wprost affirme que Sikorski a déclaré, en parlant grossièrement, que l'alliance avec les USA "ne vaut rien, elle est même nuisible, car elle offre à la Pologne un faux sentiment de sécurité" précisant même que c'est du"bullshit complet ! Nous entrons en conflit avec l'Allemagne, avec la Russie, et nous allons considérer que tout est super, car nous avons taillé une pipe aux Américains. C'est complètement naïf". en qualifiant de "murzynskosc"(esclave) la position de la Pologne face aux USA

Sikorski n'est pas plus tendre avec le Premier ministre britannique, puisqu'il aurait déclaré, toujours selon Wprost que David Cameron avait plusieurs fois fait "la preuve de son incompétence dans les questions européennes".

Ancien journaliste, Sikorski (51 ans), est l'actuel ministre des Affaires étrangères polonais depuis novembre 2007. Il a fait ses études à Oxford en Grande Bretagne, il a soutenu l'adhésion de la Pologne à l'OTAN  quand il était vice-ministre de la Défense en 1992.

Entre 2002 et 2005, il a collaboré avec un Think Tank conservateur américain, l'American Enterprise Institute in Washington. Et il avait eu l'occasion de s'exprimer devant la commission des Affaires étrangères de la Chambre des Représentants en tant qu'expert sur les relations transatlantiques. Il a ensuite été ministre de la Défense de 2005 à fin 2007.

Ses propos critiquant l'attitude de la Pologne face aux USA sont donc d'autant plus étonnants. L'ambassadeur américain en Pologne a refusé de les commenter.

La publication des déclarations qui lui sont attribuées (qu'il n'a pas démenties) tombe mal car Sikorkski est candidat à la succession de la Britannique Catherine Ashton (qui part en novembre), au poste de chef de la diplomatie européenne dans la nouvelle Commission européenne. Sikorski a refusé de commenter le contenu de ces enregistrements, mais a dénoncé ces écoutes qu'il présente comme une attaque contre le gouvernement menée "par un groupe criminel organisé".

Selon le quotidienGazeta Wyborcza, la salle du restaurant n'avait pas été vérifiée par le service de sécurité du ministre. Et son entourage indique que ses propos sur l'alliance américano-polonaise ont fait l'objet d'un montage, qui a permis de modifier leur sens.

La gouvernement polonais de centre-droit, dirigé par Donald Tusk, n'apprécie pas du tout la diffusion de ces deux séries d'enregistrements. Le Premier ministre a apporté son soutien aux deux principaux enregistrés à leur insu, et qualifié cette affaire de "tentative de coup d'Etat, pour faire tomber son gouvernement de manière illégale". Ces enregistrements ont, à chaque fois, été publiés par l'hebdo Wprost. On y entend aussi, mais cela n'a pas eu le même impacté des propos tenus par un ancien porte-parole du gouvernement, en compagnie du ministre du Trésor.

Pour l'instant on ignore qui sont les auteurs de ces écoutes. Wprost parle d'un e- mail reçu d'un "homme d'affaire", anonyme, qui se masquerait derrière le nom de code "Patriot". S'agit-il d'un seul homme, ou d'agents d'une puissance étrangère, ou encore de services polonais, à moins que l'opération ne soit motivée par des rivalités politiques internes ?

Parmi les hypothèses, Gazeta Wyborczaévoque des serveurs des restaurants connus où ces personnalités se rencontraient, qui auraient enregistr, puis vendu ces enregistrements à ceux qui avaient été enregistrés. Puis ces écoutes auraient fuité à l'extérieur du cercle d'initiés.

En tout cas, les locaux de l'hebdomadaire ont été perquisitionnés par un procureur et son équipe, sous l'oeil de la télévision polonaise qui a diffusé les images en direct. Mais le rédacteur en chef a refusé de remettre son ordinateur portable aux enquêteurs.

Cette perquisition très médiatisée a aussi été très critiquée, au point que le ministre de la Justice,  Marek Biernacki, a déclaré qu'elle n'aurait jamais du avoir lieu. Et le gouvernement se demande si ,le mystérieux interlocuteur de Wprost ne va pas continuer à envoyer de nouveaux enregistrements plus ou moins génants.


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