Pesticides : bataille de chiffres entre Libé et Cash Investigation
Robin Andraca - - Intox & infaux - 1 commentairesJeu, set et match pour Libération ? Accusé par la rubrique "Désintox" de Libération d'utiliser des chiffres "bidon" sur les pesticides dans son émission du 2 février 2016, Cash Investigations'était déjà défendu. Insuffisant pour Libé, qui publie aujourd'hui un nouvel article, chiffres à l'appui, intitulé : "Cash Investigation a toujours tort".
Libe.fr, 17/02/2016
La bataille de chiffres continue, après la diffusion mardi 2 février, d'un numéro de Cash Investigation intitulé "Produits chimiques : nos enfants en danger". Dans le premier épisode, Libé avait relevé une "grosse confusion" dans les chiffres de France 2. L'émission affirmait, à plusieurs reprises, que 97% des denrées alimentaires contenaient des résidus de pesticide. "Bidon" pour la rubrique "Désintox" de Libé qui est retourné voir le rapport, publié en 2013, par l'Autorité européenne de sécurité alimentaire (Efsa), sur lequel se base l'équipe de Cash.
Le rapport explique bien que plus de 97 % des aliments contiennent des résidus de pesticides, mais "dans les limites légales". Ce que ne précise pas Cash, et qui change tout selon Libé : "En fait, l’étude écrit clairement dès son introduction que 97,4 % des échantillons ne dépassent pas les limites de pesticides autorisées par l’UE (maximum residue level, MRM) alors que 2,6 % les dépassent". Plus loin dans le rapport, on découvre aussi que dans ces 97%, on trouve 54,6 % ne contenant "aucun résidu [de pesticide] détectable".
En réponse, l'émission assure, sur le site de son producteur Premières Lignes, que ces 54,6% d'aliments sans résidus détectables contenaient en réalité des pesticides mais dans des quantités non mesurables. Cette défense ne tient pas la route pour Libé qui revient à la charge avec un nouvel article intitulé : "Cash Investigation a toujours tort". "Martin Boudot se trompe. Dans les 54,6%, il y a bien certains aliments qui présentent des traces de pesticides en quantité tellement infimes qu’on ne peut pas les quantifier… mais il y en a aussi, contrairement à ce qu’il affirme, qui n’ont donné lieu à aucune détection du tout."
L'étude de 2012 qui change tout ?
Une bataille de chiffres difficile à arbitrer, d'autant que toutes les études citées, et par Cash et par Libé, s'appuient sur la limite de quantification, sous laquelle les aliments sans aucune trace de résidu détecté sont rangés avec ceux dans lesquels ont été détectées des traces inquantifiables. Pour enfoncer le clou, les journalistes de "Désintox" dégainent une autre étude, datant de 2012 : celle de la Direction Générale de l'Alimentation (DGAL) qui, jusqu'à cette date, effectuait des analyses plus poussées, permettant d'aller au-delà de cette fameuse "limite de quantification".
Que disent les chiffres de la DGAL, exhumés par Libé pour l'occasion ? 10% des échantillons examinés ont été jugés "non conformes" (dépassant les limites légales autorisées), 38% contenaient des résidus "quantifiables dans les normes", 5% contenaient des traces de résidus "non quantifiables" et... 47% n'ont donné lieu à aucune détection de résidus.
Les chiffres de la DGAL, exhumés par Libé (2012)
53% et non 97 donc ? "Désintox ne déduira pas que 47% des végétaux en général ne contiennent aucun résidu, parce que ces chiffres de la DGAL valent pour une année donnée, et dépendent aussi de l'échantillonnage. Toutefois, il est probable que cet ordre de grandeur est plus réaliste que les 97% cités par Cash Investigation", écrit Libé, avant de conclure : "Comme quoi il est possible de relever des risques réels, sans faire dire n'importe quoi à des chiffres".