Maurice Lévy contre les 75% de Hollande (Huffington Post)

Dan Israel - - 0 commentaires

Après l'appel à la générosité fiscale des riches, le coup de frein préventif.

Dans une tribune publiée ce matin sur le Huffington Post, Maurice Lévy, PDG de Publicis, s'alarme de la proposition de François Hollande de taxer à 75% la dernière tranche des revenus des Français gagnant plus d'un million d'euros par an.

L'avis de Lévy est sans appel : il est contre toute forme de taxation ou de prélèvement supplémentaire : "Ce débat est un écran de fumée par rapport aux véritables enjeux. Le niveau des prélèvements obligatoires français est l'un des plus élevés au monde : près d'un euro sur deux de richesse créée est prélevé pour financer les dépenses publiques. (…) On a atteint le maximum et si l'on poursuit dans cette voie, notre pays finira par être asphyxié par le poids de ses charges qui à tous niveaux minent son économie et étouffent son dynamisme."

Cette prise de position pourrait étonner le spectateur distrait de l'actualité : en août, le même Lévy n'avait-il pas eu droit à l'honneur des médias pour avoir proposé dans Le Monde une taxe supplémentaire pour les riches ? Les accents généreux employés à l'époque par la 238e fortune de France, président de l'Association française des entreprises privées, avaient porté loin : "Il me paraît indispensable que l'effort de solidarité passe d'abord par ceux que le sort a préservés", écrivait-il notamment. Une suggestion qui a été entendue, puisque le gouvernement a bien fait adopter une "taxe exceptionnelle sur les hauts revenus" dans le budget 2012.

Mais comment Lévy, super riche, mais super généreux, peut-il alors écrire aujourd'hui : "Axer les propositions de redressement de nos finances publiques essentiellement sur la hausse des prélèvements sans agir sur notre niveau de dépenses, c'est reculer pour mieux sauter." ? En fait, rien de très surprenant. Comme nous l'indiquions en août, sa proposition de taxe s'accompagnait déjà de conditions, visant notamment à réduire les dépenses de l'Etat et les dépenses sociales. Et ses prises de position se retrouvent dans les deux tribunes, quasiment mot pour mot. Surtout, cet été, Lévy proposait une taxe exceptionnelle, et donc provisoire. Il n'avait jamais appelé à une hausse pérenne des impôts pour les plus riches.

Sa tribune du Huffington Post reprend en fait les arguments classiques des défenseurs des baisses d'impôts, de façon pas particulièrement subtile ou originale : "La priorité absolue qui devrait animer nos candidats est de rétablir les conditions pour une croissance forte. Cela implique nécessairement de restaurer la compétitivité du site France. (…) Comment développer les entreprises avec des prélèvements si élevés? Quels moyens laisse-t-on aux chefs d'entreprises pour investir, acquérir de nouvelles machines, de nouvelles compétences, faire de la recherche, prendre des risques en matière d'innovation, d'exportation, si les charges tout comme les prélèvements ne cessent de progresser?"

Il affirme même, sans donner les clés pour savoir si son raisonnement est exact, qu'"avec un taux de 75 %, plus la CSG/CRDS, plus l'impôt sur la fortune, on dépasserait les 100 % d'imposition en France". Sans en être sûr, il semble là qu'il verse dans le même écueil que Nicolas Sarkozy hier sur France Inter, en faisant mine de croire que la proposition de Hollande est de taxer les très riches en moyenne à 75%. En fait, ces fameux 75 % sont un taux marginal, c'est-à-dire qu'ils ne s'appliqueraient qu'à la dernière tranche des revenus…

C'est en tout cas l'occasion rêvée pour replonger dans notre émission consacrée à la taxation des super riches...

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