L'Etat et le mediator : Aphatie, abonne-toi !

Daniel Schneidermann - - 0 commentaires

Vous voulez comprendre ce qui ne va pas ? C'est qu'Aphatie ne nous lit pas assez.

Hier soir, au Grand journal, émission-phare du journalisme d'investigation à la française, ils reçoivent Nora Berra, la nouvelle secrétaire d'Etat à la Santé (la séquence est ici). Au menu, le Mediator, ce coupe-faim produit par les laboratoires Servier, et qui a fait (estimation basse) 500 morts en France. Berra s'embrouille un peu au début, elle semble dire qu'elle n'est pas parfaitement sûre du lien de causalité, mais Aphatie la remet fermement sur ses rails. Et, docile, la sous-ministre obtempère. D'ailleurs ça tombe bien: elle a eu "longuement" au téléphone, pas plus tard que dans l'après-midi, le docteur Irène Frachon, le médecin solitaire qui se bat depuis des années contre le Mediator.

Mais décidément, Berra ne se sent pas à l'aise dans ces rails-là. Et quelques minutes plus tard, la voilà qui re-proteste: de toutes manières, tous ces médicaments sont vérifiés par l'AFSSAPS. Payée par les labos, complète judicieusement Aphatie. "Pas du tout, financée par le ministère de la Santé" réplique, hésitante, Berra. Et voilà Aphatie qui flotte, comme un vulgaire Pujadas face à Sarkozy. Il ne sait plus. "Ah, hier, on nous disait autre chose, hier" (la veille, le Grand journal recevait justement Irène Frachon). Et voilà ce qui ne va pas. Un clic, un simple petit clic sur notre site, et Aphatie avait les chiffres précis du désengagement de l'Etat dans le financement de l'AFSSAPS, et de son abandon aux financements privés.

Je ne peux pas croire une seule seconde que l'abandon de la sécurité sanitaire des citoyens aux laboratoires pharmaceutiques, ne mobilise pas Aphatie. Il ne m'échappe pas que Jean-Michel est sincèrement très angoissé par les déficits publics. Je sais sa vigilance à réhabiliter (notamment dans le domaine audiovisuel) les mérites de l'entreprise privée, trop souvent injustement calomniée. Mais je mesure par ailleurs son degré d'exigence morale: je sais qu'il n'est pas le genre de garçon à transiger avec la sécurité sanitaire de ses concitoyens. Par ailleurs, je ne peux pas croire qu'il ne bûche pas ses dossiers avant de participer au Grand journal. Alors ? Alors, il faut que chacun y mette du sien. Jean-Michel, si le prix de l'abonnement à @si (35 euros par an, rappelons-le) te semble trop élevé, tu sais que tu peux t'abonner, sans justificatifs, au tarif précaire de 15 euros ? (Je sais la précarité des contrats, à la télé). Et même si tu fais une demande d'abonnement pour fauché, elle sera examinée avec une particulière bienveillance. L'intérêt supérieur doit dicter nos comportements.

Mise à jour; vendredi 17 heures : contrairement à ce que nous avons écrit, sur la base d'une enquête trop hâtive, l'AFSSAPS est financée essentiellement par des taxes, prélevées sur les laboratoires pharmaceutiques. Toutes nos excuses à nos lecteurs.

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