Les maladies chroniques sont inégalitaires, les médias peu intéressés
Loris Guémart - - (In)visibilités - 7 commentaires
Le 26 novembre dernier, le directeur de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), Fabrice Lenglart, cite sur Twitter une infographie postée par le directeur délégué de la rédaction des Échos, Dominique Seux, reprenant les résultats d'une récente étude statistique de cet organisme d'État. Elle montre des corrélations parfois spectaculaires entre le risque de développer une maladie chronique et le niveau de vie. Seul le cancer semble vaguement égalitaire, bien que le rapport de la Drees mette en garde contre une éventuelle sous-détection chez les plus pauvres – et une récente étude européenne indique plutôt que le cancer est bien lui aussi inégalitaire. Un graphique qualifié de "coup-de-poing" par Seux dans son éditorial du 24 novembre 2022 ("Il a parfois une fibre sociale qui ressort", m'indique Maurice Midena, auteur d'un récent portrait de celui qui est aussi éditorialiste chez France Inter).
"En clair, sans les maladies chroniques – maladies psychiatriques et maladies cardio-neurovasculaires en premier lieu – l'écart d'espérance de vie à la naissance entre les plus aisés et les plus modestes serait réduit de plus d'un tiers", écrit Libération. C'est l'un des très rares médias, aux côtés des Échos donc, à avoir évoqué le sujet suite à ce rapport. L'information était par ailleurs déjà indiquée fin septembre dans "l'état de santé de la population", déjà de la Drees. La couverture journalistique était, déjà aussi, restée très réduite : on notera notamment les Échos, Libération, le Télégramme, et l'AFP dont la dépêche a été très peu reprise (ici dans 20 Minutes).
C'est pourtant une information qui illustre bien la différence entre un droit théorique et un droit réel, tout en concernant beaucoup de monde – l'égalité d'accès aux soins était ainsi central dans les "cahiers de doléances" remplis dans les mairies suite au mouvement des Gilets jaunes –, note auprès d'ASI la journaliste de Libération Nathalie Raulin, autrice des deux articles. Mettre en avant le caractère inégalitaire des maladies chroniques, ainsi que leurs causes possibles, peut y sensibiliser les citoyens et le personnel politique afin d'améliorer la situation, pointe-t-elle à propos du rôle des médias. Cette vidéo est issue de notre émission hebdomadaire diffusée en direct sur Twitch, Proxy.