Les femmes et la technique, pfff...
Alain Korkos - - (In)visibilités - 0 commentairesLes panneaux publicitaires du métro parisien affichent actuellement, pour le site de vente Rue du Commerce, deux réclames un tantinet sexistes. Voici la première :
IL AIME ses hautes performances pour / nous dit l'homme sur fond bleu, avec le signe de la masculinité inscrit en bleu clair, en haut à gauche.
ELLE ADORE des selfies toujours réussis nous dit la femme sur fond blanc avec une typographie rouge et le signe de la féminité inscrit en rose, en haut à droite.
Monsieur aime de hautes performances. Parce qu'il est féru de technique et parce qu'il a un esprit rationnel. Madame, elle, adore (oh oui elle adddore) ce truc un peu futile mais si rigolo que sont les selfies.
Monsieur est pragmatique, Madame se laisse guider par ses émotions.
La seconde affiche est du même tonneau :
IL AIME le recto-verso automatique / ELLE ADORE gagner encore plus de temps. Là aussi Monsieur se passionne pour la technique pendant que Madame est dans son agenda, en train de jongler entre le ménage et les soldes, pffiou ! pffiou ! c'est pas facile !
Rue du Commerce en fait des tonnes, en pensant qu'il s'agit là d'humour décalé. Ils sont comme ça, chez Rue du Commerce. Sans complexes, sans tabous. Le 5 novembre dernier, cette glorieuse entreprise s'était déjà fait remarquer avec un écran d'accueil pour le moins provocateur interdisant l'entrée de son site aux femmes :
Lequel était suivi par d'autres spécialement concoctés pour vous, Monsieur :
Le jour suivant, le 6, les boute-en-train de Rue du Commerce inversaient la vapeur en interdisant leur site aux hommes, en le réservant aux femmes d'une manière tout aussi subtile :
Le site Madmoizelle.com n'apprécia guère les plaisanteries égrenées tout au long du site, en dressa une liste commentée et c'est affligeant, qui a encore envie de passer commande chez ces gros lourdeaux de la Rue du Commerce ?
On assiste, dans la pub (voir par ici, par là ou encore par là), à un retour en force du sexisme. Dans le monde des jouets et celui de l'édition, aussi. Après la Madame neuneu de la Rue Machin tout émerveillée par un appareil photo ou une imprimante, voici Barbie qui rêve de devenir ingénieure informatique : I can be a Computer Engineer.
L'ouvrage est paru en 2010 mais il fait ces jours-ci les choux gras des médias amerlocains et européens grâce à un article de blogue paru le 17 novembre, intitulé Barbie Fucks It Up Again, (Barbie se plante de nouveau), dans laquelle la blogueuse décrit sur un ton pour le moins sarcastique les aventures de Barbie
qui crée sur son ordi rose le design d'un jeu mais est incapable de réaliser le programme nécessaire pour le faire fonctionner,
qui porte autour du cou une clé USB fixée à un lacet pour être sûre de ne rien oublier elle est si tête en l'air,
dont l'ordi chope un virus qu'elle va aussitôt transmettre bêtement à celui de sa soeur grâce à la clé USB portée en sautoir,
qui va appeler Brian et Steven à l'aide pour brancher le disque dur de sa soeur sur l'ordi de la bibliothèque parce que ça ira plus vite, eux ils savent où se trouvent les prises, etc.
Pas de doute, Barbie est un peu empotée question informatique. Et si elle se contentait de faire des selfies avec son téléphone rose ?
Les affiches de Rue du Commerce, le livre de Barbie ingénieure informatique : voici des sujets qui devraient mobiliser certains adeptes de Twitter toujours prompts à réagir. Et sans doute vont-ils se mobiliser, intenter de percutantes actions envers Rue du Commerce, Mattel et l'éditeur Random House (ces deux-là viennent de présenter leurs excuses mais ils n'enlèvent pas pour autant le livre de la vente).
Parce que les affiches publicitaires et les livres pour enfants roses ou bleus imprimés par milliers assurent plus sûrement la promotion des stéréotypes détestables qu'un type tout seul dans sa chemise de mauvais goût avec la tête dans les étoiles.
L'occasion de lire ma chronique intitulée Schtroumpfs à lunettes dans laquelle est démonté le lien reliant intelligence et lunettes. Regardez Barbie, elle en porte sur la couverture du livre et pourtant, pfff… quelle quiche !