Le monde diplo attaque les "économistes à gage"

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La chasse aux économistes à double casquette continue. Ils sont nombreux à être présentés comme de simples universitaires, alors qu'ils émargent dans les conseils d'administration de grandes entreprises ou de banques. Un article du dernier Monde Diplomatique présente de nouveaux exemples d'experts pas si impartiaux.


En septembre dernier, Le Pointmontrait du doigt la double casquette de certains économistes, très présents dans les médias, et estimait qu'ils étaient en situation de conflit d'intérêts. Etaient notament mis en cause Christian de Boissieu, "président délégué du Conseil d'analyse économique, qui cumule cette activité bénévole" avec un emploi de conseiller économique dans diverses banques ou sociétés de consulting, ou Jean-Hervé Lorenzi, membre du conseil d'administration de BNP Paribas Assurance, en plus de son appartenance au Cercle des Economistes, un collectif regroupant des économistes et des universitaires. Médiapart avait aussi enquêté sur le sujet, en prenant l'exemple de Daniel Cohen, économiste proche de DSK, puis de Martine Aubry, et cadre supérieur de la banque d'affaires Lazard.

Le Monde Diplomatique ajoute, dans son édition parue hier, sa pierre à l'édifice sur le sujet de ces "économistes à gage". De nouveaux exemples sont exposés par le journaliste Renaud Lambert. Celui d'Olivier Pastré tout d'abord. Cet économiste avait affirmé il y a un mois, dans une tribune du Monde (archive payante), qu'il se fixait pour mission "d'expliquer aux Français les plus fragiles et les plus soumis à la désinformation quels sont les risques d'un abandon de l'euro". Le quotidien le présente comme un "professeur d'économie à l'Université de Paris-VIII".

France Culture, où il intervient tous les samedis dans l'émisson L'économie en questions qu'il co-produit par ailleurs, le présente comme un "professeur d'université", rappelle Le Monde Diplo. Pourtant, Pastré "préside aussi la banque tunisienne IMBank, et siège aux conseils d'administration de la banque du Crédit municipal de Paris, de l'Association des directeurs de banque, ainsi qu'à l'Institut Europlace de finance"

Même chose pour Christian Saint-Etienne, qui "s'affiche comme professeur au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) sur France 24 et comme analyste politique dans les colonnes du Point. Jamais comme conseiller scientifique du Conseil stratégique européen, un cabinet de conseil en gestion de patrimoine." Quant à Jacques Mistral, il est "économiste dans les colonnes du Monde et sur France Culture, ou directeur des études économiques à l'Institut français des relations internationales (IFRI) dans l'émission C dans l'air (France 5). Pas administrateur de BNP Paribas Assurance". L'article cite un journaliste, Jean Leymarie, de France Info, qui a reçu Jean-Hervé Lorenzi à plusieurs reprises ces trois dernières années en le présentant seulement comme membre du Cercle des économistes. Dans sa citation, il se défend de tout mélange des genres, et assure que "nos auditeurs ne sont pas idiots. Ils savent bien." Mais Leymarie a précisé à @si n'avoir jamais parlé au journaliste du mensuel, qui se serait basé "sur des citations tronquées" d'une interview accordée à François Rufin, qui travaille pour Fakir.

Dans une charge plus classique, le Diplo dénonce l'omniprésence de certains économistes de sensibilité libérale dans les médias : "Entre le 1er septembre 2008 et le 31 décembre 2011, Le Monde a cité Artus - responsable de la recherche pour la banque Natixis - dans 147 articles (il a également signé quatre tribunes). Plus souvent que Jacques Attali (132 articles) et que Alain Minc (118). Et beaucoup plus que Jean Gadrey (cinq articles sur les questions économiques) et Frédéric Lordon (4 articles). Des proportions similaires à celles que l'on observerait dans les quotidiens Libération ou Le Figaro, ainsi que dans la plupart des magazines", note Renaud Lambert.

Mise à jour - 6 mars : Jean Leymarie nous a précisé n'avoir jamais parlé avec l'auteur de l'article, contrairement à ce que le texte laisse penser.

L'occasion de se replonger dans notre dossier dédié à ces experts qui écument les plateaux TV, squattent les colonnes des journaux et les ondes des radios.

(Jamel Benhassine)

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