Lancelin claque la porte du prix de journalisme "Jean-Luc Lagardère"

Manuel Vicuña - - 0 commentaires

C’est avec "un certain soulagement" qu’Aude Lancelin vient d’annoncer sa décision: l’ex-directrice adjointe de L’Obs claque la porte du jury du prix Jean-Luc Lagardère du "journaliste de l’année" (ex-prix Louis Hachette).

Récente lauréate du prix Renaudot essai pour son ouvrage "Le Monde Libre", dans lequel elle racontait son renvoi brutal et très politique de L'Obs (voir notre récente émission avec elle), Lancelin s’est fendue ce jeudi 2 décembre d’une lettre reproduite en intégralité sur Mediapart.

Un courrier adressé aux jurés et organisateurs du prix Lagardère, présidé par le directeur de Libé Laurent Joffrin, dans lequel elle explique les raisons de sa démission: "Chers membres du jury,lorsque je suis entrée à vos côtés, en 2012, je venais d’être nommée directrice adjointe de la rédaction de Marianne, journal qui jusqu’ici n’avait pas été convié à la table de l’ex-prix Louis-Hachette, visant à distinguer les meilleures plumes de la presse écrite française. (…) J’avais accepté de venir y défendre nos couleurs, et aussi une certaine vision du métier, même si c’était sans doute déjà peine perdue."

Peine perdue? Dans son courrier, Lancelin explique que, depuis un certain temps déjà, il n’était plus question pour elle d’assister aux réceptions du prix, "le premier ministre Manuel Valls s’étant inexplicablement invité sur les deux dernières photographies officielles aux côtés du lauréat de l’année."


Le prix remis en avril 2016 à Kamel Daoud en présence de Valls,capture d'écran du site lagardere.com

Le prix remis en avril 2015 à la rédaction de Charlie Hebdo, capture d'écran du site lagardere.com

Et Lancelin d’ajouter : "Hormis au Gabon peut-être, et dans quelques autres républiques d’opérette, où voit-on la puissance publique s’exhiber ainsi bras dessus bras dessous avec les hauts gradés du journalisme national, sans susciter un vrai malaise?"

Joffrin, "commissaire politique"

Mais surtout pour Lancelin, pas question aujourd’hui de siéger dans ce jury aux côtés de Laurent Joffrin. Un Joffrin qui, rappelle-t-elle, approuvait encore il y a peu son éviction de l’Obs "poussant l’élégance jusqu’à affirmer: «Il y a un différend politique, à un moment il faut bien le résoudre.»” , se souvient la journaliste, débarquée en mai de sa rédaction. Selon elle, "Ne défendant pas une ligne étroitement solférinienne, la seule que M. Joffrin comprenne et qu’il ait jamais eu pour ambition de donner aux deux journaux qu’il a alternativement dirigés, avec la réussite économique que l’on sait, il était légitime à ses yeux que je sois liquidée."

Pour Lancelin, la chose est désormais entendue : "Il va de soi qu’il n’y a désormais plus le moindre sens à ce que je siège aux côtés d’un journaliste que les principes ont abandonné au point d’assumer désormais sans rougir son rôle de commissaire politique gouvernemental", écrit-elle, avant de conclure sa lettre : "Je pense hélas que la presse aujourd’hui représentée dans ce type d’instances est morte, tandis que celle qui cherche à naître n’y aura jamais sa place, ainsi est-il temps de partir."

Le jury du prix Lagardère, présidé par Joffrin, est actuellement composé des journalistes : Christophe Barbier, Ariane Chemin, Bruno Frappat, Anne Fulda, Alain Genestar, Franz-Olivier Giesbert, Philippe Labro, Sébastien Le Fol, Christine Ockrent, Bernard Pivot, Patrick Poivre d'Arvor, Jean-Marie Rouart, Philippe Tesson et Valérie Toranian.

L'occasion de (re)voir notre émission avec Aude Lancelin :"Aude Lancelin : À L'Obs comme au gouvernement, il y a eu une purge"

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