Interdit d'entrée, Mediapart couvre le FN sous pseudo
Manuel Vicuña - - Nouveaux medias - 0 commentairesLe directeur de la rédaction de Mediapart avait prévenu.
Peu importe la décision du FN d'interdire à sa journaliste Marine Turchi et à l'équipe de Quotidien (TMC), l'accès aux journées de rentrée du parti d'extrême-droite organisées à Fréjus, le journal en ligne comptait bien couvrir l'événement. "Mediapart n’entendant pas se faire dicter ses choix rédactionnels par le parti de Mme Le Pen, nous avons demandé à un(e) confrère ayant obtenu cette accréditation de couvrir pour nous cet événement", explique le site ce samedi dans un article qu'il consacre au premier jour des "Estivales" du Front national.
Un reportage écrit donc sous pseudonyme "pour des raisons de sécurité". L'envoyé spécial de Mediapart y raconte comment Marine Le Pen y a déroulé le tapis rouge à une flopée d'intellectuels (de plus en plus) proches du parti frontiste, invités de cette première journée des "Estivales" qui "ont ainsi pu dire combien il était «normal» d’échanger sous les vivats des militants."
Des intellectuels ? Parmi eux, l'essayiste réactionnaire, Jean Paul Brighelli, venu donner une conférence d'une grosse demi-heure sur l'éducation et tempêter contre "l'égalitarisme qui consiste à l'école à amener chacun au niveau du plus faible". Autre invité accueilli sous les applaudissements, le criminologue Xavier Raufer, ancien membre du groupuscule d'extrême droite Occident, venu étriller l'inefficacité et le laxisme du gouvernement en matière de lutte anti-terroriste. "Musique forte et rythmée, entrée sous les spotlights et les applaudissements, on les accueille comme des stars à Fréjus!", note Mediapart. Enfin troisième expert ovationné par la salle : l'économiste longtemps classé à gauche, Jacques Sapir.
Sapir et la ligne rouge
Sapir, lui, n' a pas fait le déplacement. Son intervention ? Une vidéo de six minutes, "enregistrée quelques jours avant le meeting dans le cadre d'un débat sur le Brexit", rapporte Mediapart qui constate que, dans cette allocution, Sapir ne dira "pas un mot" du parti d'extrême-droite. "Le professeur de l'école des hautes études en sciences sociales s'en tient à un discours favorable à la sortie de l'euro et –à quelques réserves et circonlocutions près– à la sortie de l'Europe."
Sapir et le FN ? Le rapprochement ne date pas d'hier. Voilà plus d'un an, que l'économiste, collaborateur du site pro-gouvernemental russe Sputnik, avance l'idée d’un rapprochement avec le Front national dans l’optique de constituer un "Front de libération nationale", appelant à sortir du "sectarisme" et des "interdictions de séjour" à propos du FN. Déjà en octobre 2015, interviewé parr LeSupplément (Canal+), il n'excluait pas d'apporter son expertise au parti. Quelques mois plus tôt, sur notre plateau, en août 2015, face au coordinateur politique du Parti de Gauche, Eric Coquerel, il était venu tenter d'esquisser la ligne rouge qui l'opposait encore aux positions du parti frontiste. Une ligne rouge qui semble bien mince aujourd'hui.