Impôt : contre l'opacité (Landais / Monde)

Anne-Sophie Jacques - - 0 commentaires

"Ce n'est pas en bandant les yeux de l'oie qu'on l'empêche de crier" : cette jolie phrase en forme d’adage conclut la tribune de Camille Landais parue dans Le Monde dans laquelle l'économiste et coauteur de la Révolution fiscale appelle le gouvernement à changer de stratégie politique et à se départir de "l'idée, toute colbertiste, que la fiscalité reste l'art de plumer l'oie avec un minimum de cris".

Comment en moins de deux ans le gouvernement a-t-il réussi à faire du mot impôt le synonyme de "catastrophe nucléaire" ? Camille Landais, économiste et professeur à la London School of Economics and Political Science, croit avoir trouvé, dans une tribune parue dans Le Monde, "la racine du mal": "l'exécutif pense qu'il est de bonne politique de faire en sorte de ne jamais afficher la recette de sa grande soupe fiscale afin de ne surtout effrayer personne". Et ce en vertu de "l'idée, toute colbertiste, que la fiscalité reste l'art de plumer l'oie avec un minimum de cris."

Pour Landais, le fond de la pensée du gouvernement en matière de fiscalité, "c'est que pour ne pas trop menacer le consentement à l'impôt, il existe un niveau d'opacité optimal dans lequel il vaut mieux maintenir le système. D'où le choix systématique de mesures techniques jugées plus indolores, l'ajout de nouvelles règles ou de nouveaux prélèvements, la dissimulation plutôt que la réforme, la prestidigitation plutôt que le débat légitime."

Pourtant, affirme l’économiste, le consentement à l’impôt est fondamental. "Lorsque près de 50 % du revenu national sert à financer la puissance publique", il semble légitime que "les Français veulent en connaître le prix et savoir qui paie quoi". Savoir combien et quand également car aujourd’hui, "incapables de prévoir leur revenu net d'impôt, les individus prennent de mauvaises décisions. Le système aggrave leur difficulté à lisser leur consommation au cours du temps".

Or le gouvernement a tout à gagner à changer sa stratégie en matière fiscale et à adopter, comme tous les pays qui ont un taux de prélèvement comparable à la France – Suède, Norvège – un système plus transparent. Comprenez : un impôt progressif à large base – celle de la CSG – et prélevé à la source. Des propositions déjà évoquées dans l’ouvrage dont il est coauteur avec Thomas Piketty et Emmanuel Saez, La révolution fiscale, ouvrage épluché ici.

Rien de nouveau donc dans cette tribune limpide, mais elle répond à la journaliste du Monde Françoise Fressoz qui assurait récemment que "l'aile gauche du parti, qui préconise une "vraie réforme fiscale" par le biais de la fusion impôt sur le revenu-CSG, ne sait plus comment défendre sa position tant le mot "impôt" provoque désormais la suspicion". Comment défendre sa position ? En continuant de publier des tribunes dans le Monde.

>> L’occasion de lire ou relire la chronique de l’éconaute "Ras le bol fiscal" : Libé et Le Monde, deux pas en avant, un pas en arrière (ou l’inverse) et de voir ou revoir notre émission"L'impôt est un plaisir qui nait de la douleur" en compagnie de l'historien Nicolas Delalande.

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