Evasion fiscale : mesures choc proposées par l'OCDE (Mediapart)
Anne-Sophie Jacques - - 0 commentairesLes intaxables, nom de ces multinationales qui échappent à l’impôt, peuvent-elles commencer à trembler ? Mediapart l’assure après avoir épluché les propositions formulées mardi par l’OCDE qui concluent deux ans d’études sur l’érosion de l’assiette fiscale et le transfert de bénéfices. Ces propositions discutées ce week-end au G20 réuni en Australie sont un grand pas dans la lutte contre l’évasion fiscale même si, reconnaît Mediapart, il reste beaucoup à faire.
Google, Starbucks ou encore Apple ont du mouron à se faire. Selon Mediapart qui consacre au sujet un long et limpide papier, les propositions en matière d’évasion fiscale dévoilées par l’OCDE mardi dernier sont un coup de poing sur la table. Entamés fin 2012, les travaux des experts de l’Organisation consistaient à "identifier les cas où des entreprises parviennent à n’être taxées ni dans le pays où elles sont implantées, ni dans celui où elles commercent réellement, puis supprimer les raccourcis et les chausse-trappes qui permettent cette situation". |
But de la manœuvre : proposer des remèdes au G20 qui se tient ce week-end en Australie. Des remèdes de cheval : d’après Mediapart, "ces propositions de règles constituent la première réponse mondiale cohérente à des pratiques qui minent l’économie mondiale". Faut dire que le mal est connu : l’entourloupe fiscale se fait à grande échelle et ne cesse d’être dénoncée notamment par les ONG comme CCFD-Terre solidaire (bien connu de l'éconaute). Récemment, on a découvert la façon dont les profits du site de location entre particuliers Airbnb échappaient au fisc français. Plus récemment encore, selon une information du Figaro de la semaine passée et reprise par Mediapart, on sait que Google France a payé en France l’an dernier 7,7 millions d’euros d’impôt sur les sociétés pour un chiffre d'affaire déclaré de 231 millions d'euros quand celui-ci dépasse en réalité le milliard d’euros.
Concrètement, quelles sont les propositions de l’OCDE ? Mettre fin au prix de transfert qui "consiste à localiser artificiellement les profits d’une société dans un paradis fiscal, alors que les filiales implantées dans des pays à fiscalité classique (où se déroule généralement la véritable activité de l’entreprise) n’affichent plus que des charges financières". Autre point : mettre – enfin – en place la comptabilité pays par pays. Les multinationales seront tenues de "transmettre aux fiscs des pays où elles opèrent les informations détaillées, pays par pays, sur leur chiffre d'affaires, leurs profits, leurs effectifs, ainsi que les impôts qu’ils y ont payés. Le tout devra être complété par une liste de toutes les filiales existantes, avec un descriptif de leur activité". Dernier coup d’épée: la fin du "treaty shopping, ce choix par les multinationales des pays où elles s’installent (bien souvent simplement sur le papier, grâce à une coquille vide), en fonction des traités de double imposition qu’ils ont signés".
Si ces propositions soulèvent l’enthousiasme de Mediapart, nos confrères rendent compte cependant de bémols. Les géants du numérique, par exemple, ont encore un peu de temps avant de trembler : les mesures préconisées par l’OCDE sur les Google et autre Facebook attendront un an. De même, sont dans l’impasse "les discussions sur la suppression du régime de la «patent box» («la boîte à brevet»), […] une substantielle exonération d’impôts sur tous les revenus tirés de la propriété intellectuelle. Idéal pour les multinationales qui utilisent beaucoup de brevets ou qui, comme Starbucks ou Google, facturent à leurs filiales, partout dans le monde, le droit d’utiliser leur marque ou leurs services de marketing". Enfin, les réactions des ONG engagées sur la question de l’évasion fiscale laissent à croire que l’OCDE a sorti la boîte à rustines. Si ces organisations saluent l’avancée des propositions, elles regrettent notamment que la comptabilité pays par pays, longtemps exigée par ces dernières, ne soient pas rendue publique.