Ernotte vs Mediapart : la PDG de France Télé dément... en confirmant
La rédaction - - 0 commentairesL'affaire a été classée sans suite par le parquet, mais elle rebondit au Conseil d'Etat.
Mise en cause par Mediapartqui a relevé de nombreuses irrégularités dans son processus de nomination à la tête de France Télévisions, Delphine Ernotte fait toujours l'objet d'une plainte de deux syndicats du groupe public. Après un classement sans suite, l'affaire arrive au Conseil d'Etat : les deux syndicats ont déposé un recours pour "abus de pouvoir" à l'encontre du CSA. Un recours peu susceptible d'aboutir, selon Mediapart : le Conseil d'Etat n'a pas le pouvoir d'enquête sur le fond de l'affaire.
Et pourtant, Ernotte a déposé un "mémoire de défense", alors qu'elle n'est pas visée directement par le recours (c'est le CSA qui est mis en cause). Dans ce texte de 31 pages, consulté par Mediapart, elle conteste les accusations du site d'information... tout en confirmant une partie de ses informations. Exemple ? Mediapart assurait que Delphine Ernotte avait rencontré le milliardaire François Pinault, proche de François Hollande, par l'intermédiaire d'un membre du CSA, Sylvie Pierre-Brossolette. Objectif ? S'assurer du soutien de l'Elysée. Dans son mémoire, Ernotte réfute avoir des liens de proximité avec Pierre-Brossolette mais reconnaît... avoir rencontré Pinault. "Si Madame Ernotte a effectivement eu l’occasion de rencontrer, avant le dépôt de sa candidature, comme d’autres candidats d’ailleurs, Monsieur François Pinault, c’était en vue de mesurer la crédibilité et donc l’intérêt d’une éventuelle candidature (...) cette démarche n’ayant absolument rien d’inhabituel au regard de l’importance des fonctions briguées", indique le mémoire. Le rendez-vous a donc bien eu lieu.
De même, Ernotte réfute l'accusation selon laquelle elle aurait plagié une partie du projet présenté par l'un de ses concurrents après en avoir eu connaissance. "Les passages relevés dans l’un et l’autre des deux projets sont insusceptibles de caractériser l’existence d’un quelconque plagiat de la part de Madame Ernotte", précise le mémoire. Sauf que dans la phrase d'après, Ernotte reconnaît que "certaines idées (...) sont communes aux deux candidats (audace, innovation, créativité, fierté d’être Français, clarification de l’offre de France Télévisions, création d’un nouvel organigramme paritaire, etc.)". Mais selon elle, ce serait des idées "assez générales [qui] relèvent de l’air du temps voire du simple bon sens".
Enfin, s'agissant de l'impartialité du président du CSA, Olivier Schrameck, qui aurait poussé la candidature d'Ernotte, celle-ci s'en défend. En préambule d'une réunion censée présélectionner les candidatures, Schrameck avait demandé aux membres du CSA de ne pas déstabiliser d'autres entreprises de l'audiovisuel à l'occasion de cette nomination. Une allusion à peine voilée pour écarter la candidature de Marie-Christine Saragosse, la présidente de France Médias Monde, afin de laisser le champ libre à Ernotte ? Dans son mémoire de défense, Ernotte défend Schrameck... tout en confirmant, en creux, qu'il a bien donné cette consigne : "Il est particulièrement mal venu de la part [de Mediapart et des deux syndicats] de chercher à tirer opportunément prétexte d’un propos, au demeurant très général et visiblement de bon sens, qui aurait été tenu dans le cadre du délibéré, lequel est précisément le lieu d’expression et d’échange de l’opinion des membres de l’institution". Les propos du président du CSA auraient donc été tenus... mais ça n'aurait pas eu d'influence sur les membres.
En contestant toutes les accusations de Mediapart, Ernotte valide en partie les éléments qui ont amené le site à formuler des soupçons sur les irrégularités de sa nomination. Dit autrement par le site d'information : "Il en va de cette controverse comme du sparadrap du capitaine Haddock : il ne suffit pas de vouloir s’en débarrasser pour y parvenir. Au contraire, les gesticulations attirent l’attention…"
L'occasion de relire notre article : "CSA : Schrameck et ses manoeuvres dans le collimateur du Monde et de Mediapart"