Egypte : libération d'un journaliste d'Al-Jazeera

Justine Brabant - - 0 commentaires

Une expulsion en forme de libération. Après 400 jours en prison, le journaliste de la version anglaise de la chaîne Al-Jazeera, Peter Greste, a été expulsé du territoire égyptien, sur ordre du président Al-Sissi. Il avait été condamné à sept ans de prison pour "soutien" aux Frères musulmans. Le sort de deux autres journalistes de la chaîne, condamnés en même temps que Greste, n'est pas encore connu.

En général, les correspondants étrangers n'apprécient pas particulièrement d'être expulsés du pays dans lequel ils sont installés. L'Australien Peter Greste a pourtant savouré l'annonce de son expulsion : ce journaliste, correspondant de la chaîne qatarie Al-Jazeera en Egypte, était emprisonné au Caire depuis décembre 2013.

Peter Greste avait été arrêté, en même temps que 25 autres journalistes, au lendemain de la destitution du président Mohamed Morsi par l'armée égyptienne– armée soutenue par des millions d'Egyptiens échaudés par les douze mois de Morsi à la tête de l'Etat. Son procès s'était tenu au Caire en avril 2014. Lui et ses co-accusés avaient été accusés d'avoir "diffusé de fausses nouvelles" et soutenu les Frères musulmans, confrérie dont était issu Mohamed Morsi, classée au rang d'"organisation terroriste" par les nouvelles autorités. Lors de ce procès, emblématique de la "guerre ouverte contre le journalisme" du régime Al-Sissi, le tribunal avait examiné des vidéos "censées prouver que [le chef du bureau d'Al-Jazeera au Caire, Mohamed Fadel Fahmy] avait manipulé ses reportages"... "mais n'ayant en fait aucun lien avec son travail", d'après l'AFP. À l'appui de ses propos, le procureur avait ainsi diffusé des vidéos de courses de chevaux, des reportages effectués en Somalie, ou encore des photos des parents de Peter Greste.

Davantage que victimes d'un parti-pris que le tribunal cairote a peiné à prouver, les journalistes de la version anglaise de la chaîne Al-Jazeera semblent avoir été les "otages d’un différend politique entre l’Egypte et le Qatar autour de la chaîne que finance l’émirat et que l’Egypte accuse d’être le porte-voix des Frères musulmans", analyse Le Monde. Le quotidien voit dans le réchauffement des relations qataro-égyptiennes depuis fin 2014 l'une des explications possibles à cette libération.

L'arrestation et la détention de Peter Greste et de ses deux co-détenus, Mohamed Fahmy et Baher Mohamed, étaient dénoncées régulièrement par Amnesty International. L'ONG de défense des droits de l'Homme avait notamment lancé une campagne sur les réseaux sociaux, proposant aux internautes de se photographier, ruban adhésif sur la bouche, avec une pancarte "FreeAJStaff" ("Libérez l'équipe d'Al-Jazeera") :

"Le journalisme n'est pas un crime", "libérez l'équipe d'Al-Jazeera", campagne d'Amnesty International...

... dont le mot d'ordre est ici repris par des journalistes de l'Etat de Puntland, en Somalie

Quelques heures après son retour en Australie, Peter Greste a affirmé qu'il se battrait pour la libération de ses collègues toujours détenus, dont l'un, égypto-canadien, pourrait être expulsé vers le Canada à condition de renoncer à sa nationalité égyptienne.

L'occasion de relire la chronique de Daniel Scheidermann : "Abdallah d'Arabie, Al-Sissi, et autres amis Charlie".

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