Droit à l'oubli : arrêt de cassation favorable à la presse
Manuel Vicuña - - 0 commentairesIls comptaient faire valoir leur droit à l’oubli, en vain.
Deux traders qui demandaient la suppression d’un article des Echos les concernant viennent de voir leur requête rejetée par la justice le 12 mai dernier, à la suite de leur pourvoi en cassation. Comme le relate le blog du Monde "SOS Conso", ces deux frères Stéphane et Pascal D. avaient assigné le journal en justice pour faire retirer des archives électroniques des Echos.fr un article publié le 8 novembre 2006 concernant leurs déboires professionnels.
En avril 2003, ils avaient en effet été sanctionnés par la commission disciplinaire des marchés financiers qui leur avait retiré leur carte professionnelle d’intervenant sur les marchés. Trois ans plus tard, ce court article des Echos rendait compte de l’arrêt du Conseil d’Etat de réduire la sanction des frères D. à un simple blâme. "Les deux frères avaient obtenu de la commission, mais également des Échos qui en avait parlé, que soient retirées les références nominatives de cette décision", raconte le site NextInpact. Reste que, comme le rappelle le site, l’article "arrive encore en première page de Google lorsqu’on fait une requête sur leur patronyme". Par ailleurs, leur nom de famille n'a de fait pas été retiré de l'article.
Restriction excessive à la liberté de la presse
S’estimant "blanchis" par le Conseil d’Etat et considérant que l’article en question nuisait à leur réputation et les empêchait de retrouver du travail dans le secteur de la finance, les deux frères ont décidé de saisir la justice en 2012. Sans succès, comme le raconte le blog du Monde "SOS Conso" : "La cour d’appel de Paris les a déboutés, en notant que «ni le titre ni l’article ne contenaient la moindre inexactitude», que les frères D. «n’ont d’ailleurs pas été blanchis comme ils le prétendent», la sanction qui les frappait ayant seulement été réduite, et que «leurs difficultés ne pouvaient être imputées à l’article même, mais à la lecture qu’en font les professionnels.»" La Cour de cassation vient de rejeter leur pourvoi. Le 12 mai dernier, elle a conclu, comme en appel, que le fait d’imposer à un organe de presse de restreindre ou de supprimer d’un site internet dédié à l’archivage une information contenue dans l’un de ses articles "excède les restrictions qui peuvent être apportées à la liberté de la presse."
Une décision qui intervient alors que, comme le rappelle le blog "SOS Conso", quelques jours plus tôt, la justice belge s'était prononcé en faveur du droit à l'oubli. Cette fois, il s'agissait d'un médecin ayant fait une demande d'anonymisation auprès du journal Le Soir. Le motif ? Un article datant de 1994 et ayant resurgi via les archives électroniques du quotidien belge en 2008, qui relatait comment, à l'époque, le médecin en état d'ivresse avait provoqué un accident de la route mortel. Face au refus du journal de retirer l'article, le médecin avait saisi la justice et obtenu gain de cause auprès de la cour d'appel de Liège. Celle-ci avait estimé que "ce droit à l’oubli est une partie intégrante du droit au respect de la vie privée, tel qu’il est consacré par l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme." Et si le journal s'est pourvu en cassation pour faire valoir sa liberté d'expression, la Cour de cassation a donné raison au médecin, le 29 avril dernier en estimant que celui-ci devait bénéficier d'un droit à l'oubli.
L'occasion de revoir nos émissions :"Droit à l'oubli : Google, le géant embarrassé" et "Le droit à l'oubli est-il compatible avec la liberté de la presse?"
L'occasion de relire aussi notre article : "Droit à l'oubli, le «comité Google» rend son rapport"