De l'utilité de Pierre Gattaz

Daniel Schneidermann - - 0 commentaires

De l'utilité d'avoir toujours un Pierre Gattaz sur soi.

Prenez un pouvoir socialiste, acculé par Bruxelles à réaliser 50 milliards d'économies. Il a tout tenté. Il a dépêché à Bruxelles des émissaires, qui n'ont même pas osé demander un desseerrement de l'étau. Il s'apprête donc à bloquer les pensions, les prestations sociales, et les salaires des fonctionnaires. Pour étouffer toute contestation, il a verrouillé son disposiitif avec une maladresse brutale qui a fait hurler tout le monde. Le président et le Premier ministre ont nommé sur un coin de table le chef du parti majoritaire (un ex-condamné). Ils ont, au grand jour "exfiltré" son prédecesseur (un autre condamné) en lui proposant un ministère jugé secondaire (l'Europe).

Enfin arrive le jour d'annoncer le gel des pensions, des prestations sociales, et des traitements des fonctionnaires. Le Premier ministre va parler à la télévision. Il sait qu'il va faire hurler les syndicats. Il sait que ce gag attrape-medias qui s'appelle "les députés de la gauche du PS", et qui va apprendre les détails du plan à la télé, va aussitôt se précipiter devant les caméras pour clamer son mécontentement (avant, évidemment, de voter tout ce qu'on lui demandera).

Les choses pourraient donc mal se présenter. Mais c'est alors qu'intervient Pierre Gattaz, chef des patrons, qui lance l'idée d'un SMIC au rabais pour certains jeunes. Il n'est pas seul. Il a été précédé par l'ancien directeur général de l'OMC, Pascal Lamy. En tournée de promo pour son livre, ce dernier a fait la même proposition. Ainsi se crée l'idée d'une offensive concertée pour le rétablissement de l'esclavage, déchainant des hurlements qui s'étendent jusqu'à Laurence Parisot.

Que fait donc le Premier ministre ? Avant d'annoncer les mesures précitées, et tout en proclamant son immense gratitude envers les fonctionnaires, les pensionnés, et les bénéficiaires des prestations, il précise qu'il n'est pas question, mais alors pas du tout, pour rien au monde, de toucher à un cheveu, un seul, suivez mon regard, du SMIC. Ainsi peut-il ensuite dévider son chapelet de blocages, et appeler cela une rigueur "de gauche". On a toujours besoin d'un Gattaz à proximité.

PS : Lordon chez Cohen, à l'instant, sur France Inter, lui qui avait toujours refusé les interviews formatées, et s'en expliquait chez nous dès 2009. Tout arrive. Tout se passe bien, jusqu'à quelques minutes de la fin, où Guetta pose en rafale trois interminables questions pièges à Lordon. Cohen, plaisantant : "vous avez dix secondes pour répondre". Lordon tente néanmoins. Puis : "Je vois Patrick Cohen qui fait de grands signes", dit Lordon. Cohen : "pas du tout, je ne voudrais pas sembler vous censurer, mais c'est le chronomètre. Vous reviendrez". Place aux pubs. CQFD.

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