Corbeil : journalistes canal+ privés de conseil municipal

Anne-Sophie Jacques - - 0 commentaires

De la difficulté d’enquêter sur le système Dassault à Corbeil-Essonnes… Selon le Parisien, deux journalistes qui travaillent sur le sujet pour Canal+ se sont vus interdire l’accès au conseil municipal de la ville hier soir. Trois semaines plus tôt, cherchant à interroger Serge Dassault présent aux commémorations du 8 mai, ils s’étaient fait signifier une fin de non recevoir de la part du maire UMP Jean-Pierre Bechter sous forme de deux doigts d’honneur. Un des journalistes raconte à @si l’accueil frais qui leur a été réservé.

Les journalistes ne sont pas en odeur de sainteté à la municipalité de Corbeil-Essonnes. La raison de cette inimitié ? Les enquêtes successives sur le système Dassault et la diffusion de vidéos compromettantes pour l’ancien maire UMP Serge Dassault, par ailleurs patron du Figaro et actuel sénateur UMP de Corbeil-Essonnes.

Comme nous le racontions ici, Dassault est soupçonné d’avoir distribué – ou fait distribuer – des enveloppes d'argent en échange de voix lors des élections municipales, un soupçon qui lui valu l’invalidation de son élection en 2009. En février dernier, le magazine Supplément de Canal+ diffusait les extraits d’une vidéo tournée en caméra cachée où l’on voyait Dassault en compagnie de jeunes venus monnayer leur soutien électoral.

Les images s’ajoutaient à d’autres, filmées tout aussi secrètement et révélées fin 2012 par Le Canard enchaîné. Ces vidéos ont probablement été à l’origine d’un règlement de comptes dans les rues de Corbeil-Essonnes. Bilan : un blessé par balles.

Canal+ ne lâche pas l’affaire, et prépare actuellement un reportage sur le sujet dans le cadre de l'émission Spécial investigation. Mais l’équipe qui enquête n’est pas la bienvenue. Un premier accrochage s’est déroulé lors des commémorations du 8 mai 1945. Le journaliste et son caméraman voulaient profiter du raout pour interroger Serge Dassault. "Nous avons été polis, sans chercher à aucun moment l’affrontement précise l’un des journalistes. Mais une conseillère municipale, Germaine Deruel, s’est mise à taper sur la caméra tout en voulant s’en emparer, elle a même arraché une boucle au passage. Je l’ai sommée d’arrêter, et nous nous sommes faits ceinturer par des vigiles chargés de la protection rapprochée de Dassault et Bechter. Dassault a été exfiltré de la salle où se tenait le pot, et j’ai alors interpellé Bechter sur la drôle d’image qu’il donnait de sa ville. Pour seule réponse : un doigt d’honneur. Comme il était de dos, il ne savait pas que je filmais. Nous nous sommes mis face à lui, et là il m’a de nouveau répondu par un doigt d’honneur." Classe.

Las ! L’épisode tumultueux sert de prétexte au maire qui fait interdire hier soir l’accès au conseil municipal aux deux journalistes restés, du coup, sur le carreau. Pourtant ces réunions sont publiques, les journalistes doivent pouvoir y accéder. Mais Bechter argue le fait que l’équipe de Canal+ peut provoquer un trouble de l’ordre public. Les élus de l’opposition sortent du conseil pour soutenir les journalistes, et, selon le Parisien, certains envisagent aujourd'hui de porter plainte pour entrave à la liberté. On appelle le préfet, le commissaire de la police nationale se déplace, mais ne peut contrarier la décision de Bechter. "Il n’y a eu aucun incident hier soir, raconte le journaliste, tout s’est passé dans le calme. A l’issue du conseil, nous avons tenté de parler au maire sorti par une porte dérobée, mais sa voiture l’attendait et il ne nous a rien dit." Et manifestement, il n’a pas levé le doigt cette fois-ci.

Pour mieux comprendre le système Dassault, lisez notre enquête consacrée au sujet.

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