Chut ! Kadhafi peut rester !

Daniel Schneidermann - - 0 commentaires

Chut, ne le répétez pas, il ne faudrait pas troubler les premiers départs en vacances

, mais la France, en Libye, ne demande plus le départ de Kadhafi. Il lui suffirait de voir Kadhafi "dans une autre pièce de son palais, avec un autre titre". C'est le ministre de la Défense, Gérard Longuet, qui a revu cette exigence à la baisse (sans toutefois préciser quelle pièce du Palais avait sa préférence). Pour un gouvernement qui n'a cessé, sur tous les tons, d'exiger le départ du Libyen, c'est une belle et bonne capitulation (qui n'a d'ailleurs pas échappé aux Américains, lesquels se sont empressés de préciser que le départ de Kadhafi, à leurs yeux, constituait toujours un but de guerre).

A ce stade, je m'empresse de préciser que les choses sont peut-être moins claires. Car pendant que Longuet expliquait qu'il se satisferait d'un exil de Kadhafi vers le vestibule ou le grenier, Juppé maintenait que son départ, son départ pour de bon, restait "un élément clé". Qu'est-ce qu'un "élément clé", en langage Juppé ? Peut-il y avoir plusieurs "clés" simultanément ? Une clé doit-elle forcément ouvrir ou fermer ? (Il est vrai que Juppé s'exprimait en anglais, ce qui est, pour un Français normalement constitué, une initiative toujours hasardeuse, source possible de nombreux malentendus). Quoiqu'il en soit, dans cette guerre qui aura été marquée tout du long par une propagande effrénée (pour vous rafraîchir la mémoire, c'est ici), on sent bien qu'une capitulation française se prépare, que l'on camouflera par tous les moyens sémantiques connus.

On pourrait penser que les radios du matin fassent un large écho à cette importante nouvelle. Mais non. France Inter a déjà plongé jusqu'au cou dans le "sept neuf de l'été". L'été, on vous passe des chansons, on vous cause peinture, sculpture, on ne vous embête plus avec des nouvelles barbantes. Et si la radio publique ouvre le journal de 8 heures, en effet, avec l'imbroglio libyen, elle ne va pas aller jusqu'à organiser un débat, susciter des réactions politiques, ou appeler les choses par leur nom. Non. La France se contente de "revoir sa position", de sonner "l'heure d'un réglement politique", et autres ingénieuses formules. D'ailleurs, heureuse coïncidence, Bernard Guetta, qui avait chanté la geste de Juppé lors du déclenchement de la guerre, est en vacances depuis la semaine dernière. De là à croire qu'on a attendu son départ pour se retirer en catimini de Libye...

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