Carrez en délicatesse avec le fisc (Mediapart)
Anne-Sophie Jacques - - 0 commentairesDes parlementaires en délicatesse avec le fisc ? Depuis que Le Canard enchaîné a révélé mercredi qu’une soixantaine de députés ou sénateurs étaient dans le viseur du fisc, les noms des suspects circulent ici ou là. Tandis que Le Monde dévoile les cas du député Lucien Degauchy (UMP)et du sénateur Philippe Marini (UMP), Mediapart dévoile le cas du député et président de la commission des finances Gilles Carrez (UMP) à qui le fisc reproche d’avoir mésestimé son patrimoine immobilier et d’échapper ainsi à l’ISF. Point commun : ils plaident d’une même voix la bonne foi.
"Députés et sénateurs sont des Français comme les autres"se défendait Bercy suite aux révélations du Canard enchaîné mercredi dernier qui affirme qu’une soixantaine de parlementaires sont en délicatesse avec le fisc. Certes. Mais tout de même : depuis mercredi, on se presse pour obtenir le nom des prochains Cahuzac ou Thévenoud dont la liste complète, assure Le Canard, sera connue à la fin de l’année.
Pour l’heure, Le Monde a déjà dévoilé deux d’entre eux : le député Lucien Degauchy et le sénateur Philippe Marini. Degauchy a possédé un compte non déclaré en Suisse mais il pensait – en toute bonne foi bien sûr – que cet argent ne lui appartenait pas. Une défense souvent entendue lorsque Le Mondea publié l’identité de personnalités présentes dans le fichier dit Falciani, du nom de l’ancien cadre informatique de la banque HSBC qui a fourni au fisc français, fin 2008, une liste de détenteurs de comptes suisses. Quant à Marini, le différend porte sur l’estimation d’un de ses biens immobiliers, un appartement du 5e arrondissement, à Paris.
Un problème d’évaluation qui concerne également Gilles Carrez, député UMP, président de la commission des finances et ancien rapporteur général du budget sous Nicolas Sarkozy, comme le révèle de son côté Mathilde Mathieu, journaliste de Mediapart et invitée de notre émission de la semaine. Ou plus exactement un problème d’abattement de 30% que se serait appliqué Carrez sur sa résidence principale détenue au travers d’une SCI. |
Carrez – qui a volontiers répondu aux questions de la journaliste – le concède : "il semblerait que quand vous êtes propriétaire en SCI, vous n’ayez pas le droit à l'abattement de 30%, même si vous habitez votre maison comme nous depuis trente-huit ans. J'avoue que j'ignorais complètement ce point, bien que j'aie été rapporteur du budget pendant dix ans". Le député assure qu’il ne discutera pas la décision des services fiscaux et paiera sans rechigner car "ce n’est pas un drame". Avant d’ajouter : "la seule chose qui m'ennuie, c'est que dans cette affaire, je suis complètement de bonne foi."
Pour autant, rappelle la journaliste, "le député UMP est justement l'auteur de l'amendement qui a instauré l'abattement de 30% sur la résidence principale (auparavant limité à 20%), co-signé à l'été 2007 avec Jean-François Copé". De même, Carrez a défendu la "réforme du gouvernement Fillon qui a fait passer le seuil d'entrée dans l'ISF de 800 000 euros à 1,3 million d'euros". Jamais mieux servi que par soi-même ? C’était notre conclusion sur l’utilisation de la réserve parlementaire par Carrez qui n’a pas hésité, en 2011, à reverser l’essentielle de cette cagnotteau Perreux-sur-Marne (94), à la municipalité dont il est maire. Une cagnotte dont l’utilisation est aujourd’hui connue de tous depuis l’action du citoyen Hervé Le Breton que nous avions reçu sur notre plateau en juillet.
Transparence justement : depuis l’affaire Cahuzac, la haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) est chargée d'éplucher les déclarations de patrimoine et d'intérêts des hauts responsables publics et de demander des comptes le cas échéant – mais pas forcément de demander de remplir soigneusement les déclarations comme on le racontait cet été. Or la mise en place de cette structure égratigne sérieusement le secret fiscal selon Carrez : "ce que je souhaite, c'est que le secret fiscal soit préservé, lui qui fonctionnait encore à peu près, en tout cas un peu mieux que le secret de l'instruction. Mais là, à partir du moment où des listes se baladent... À partir du moment où vous mettez en place des procédures de type HAT, avec une liaison avec les services fiscaux (d'ailleurs nécessaire), vous mettez dans la boucle des dizaines de personnes. Et il y en a une qui se fait un malin plaisir..." La faute aux petits malins.