Bettencourt / faiblesse : Courroye a bien contredit la police
La rédaction - - 0 commentaires Voir la vidéoSouvenez-vous, c'était le début de ce qui allait devenir l'affaire Bettencourt. En décembre 2007, Françoise Bettencourt-Meyers, la fille de la milliardaire, dépose une plainte pour "abus de faiblesse" à l'encontre du photographe François-Marie Banier. Deux ans plus tard, en septembre 2009, cette plainte sera classée sans suite par le procureur de Nanterre, Philippe Courroye. Il justifie sa décision par le fait que Liliane Bettencourt refuse de se soumettre à une expertise médicale.
Pourtant, le rapport de la Brigade financièrequi avait été remis à Courroye indiquait que l'abus de faiblesse était crédible. Le Journal du dimanchel'avait indiqué en décembre, France Inter confirme aujourd'hui en publiant de larges extraits du rapport.
Le comportement du procureur Courroye, en charge de trois enquêtes préliminaires dans l'affaire Bettencourt, est donc encore une fois sujet à débat. Le rapport de la Brigade financière, qui date de 2008, sème le doute sur le bien-fondé du classement sans suite de la première enquête préliminaire.
Le sujet avait été discuté sur le plateau d'@si même, l'ex-juge Eva Joly affirmant que selon ses informations "la Brigade financière disait qu'il y avait abus de faiblesse ". De son côté, le journaliste Christophe d'Antonio soutenait mordicus qu'" il n' y avait pas de hiatus entre Courroye et la Brigade financière". Un débat... animé |
Aujourd'hui, lumière est faite: le rapport de synthèse du 1er décembre 2008, dont des extraits ont été diffusés par la radio , donne raison à Eva Joly. Les policiers penchaient effectivement vers l'abus de faiblesse.
Selon les éléments publiés par le JDD et confirmés par France Inter, plusieurs éléments portent à croire que la capacité de décision de Liliane Bettencourt était altérée. L'audition de membres de son personnel, d'abord, qui confirment l'existence de "trouble physique, plus particulièrement constaté au cours de deux périodes, à savoir de mars à juin 2003 puis de septembre 2006 à fin 2006" ; un contrat d'assurance-vie de 253 millions d’euros, qui a été cédé à Banier, avant d'être annulé, puis à nouveau attribué au photographe, et un autre de 262 millions, concédé à Banier alors que Bettencourt était particulièrement fragile ; un déplacement "incongru" au Maroc avec Banier, "au moment où sa fille subissait une importante intervention chirurgicale à Paris" et qu'il "était convenu qu'elle reste auprès d'elle."
Ils sont tous détaillés dans le sujet de France Inter. |
France Inter confirme ainsi ce que le JDD annonçait dès décembre 2009. Le journal soulignait que les policiers évoquaient un "faisceau de présomptions quant à la réalité d’un abus de faiblesse commis par M. Banier". L'article reprenait des extraits moins détaillés que ceux de France Inter, et restait concentré sur la relation Banier-Bettencourt, sans citer les autres éléments pointant la faiblesse de l'héritière L'Oréal.
Mais pourquoi la thèse de l'abus de faiblesse, privilégiée par le rapport, n'a-t-elle pas été retenue par le procureur Courroye ? Ce dernier s'en est expliqué dans une interview au Figaro, le 22 juillet :
"Au retour de l'enquête, à l'été 2009, j'ai personnellement examiné la totalité de la procédure puis je l'ai transmise aux deux magistrats qui la suivaient avec moi. La question qui se posait était d'apprécier s'il y avait suffisamment d'éléments pour renvoyer M. Banier devant le tribunal correctionnel pour des faits d'abus de faiblesse. Nous avons finalement répondu par la négative", explique Courroye.
Il ajoute: "Non pas, bien sûr, parce qu'il y a eu des interventions politiques, des «ordres», des «instructions inavouables». Tout cela relève du fantasme. Mais simplement pour des motifs juridiques. Si le rôle d'un magistrat du parquet n'est pas d'abord de faire respecter le droit, alors quel est-il? Pour dire qu'il y avait abus de faiblesse dans ce dossier, il fallait prouver que Liliane Bettencourt souffrait d'une altération de ses facultés physiques ou psychiques sur toute la période des dons visés par la plainte, soit depuis plus de dix ans. Or, elle a refusé de se soumettre aux expertises diligentées par le parquet, de même qu'à celle ordonnée par la 15e chambre du tribunal. On peut le regretter mais c'était son droit".
Ce serait donc le refus de Liliane Bettencourt de se soumettre à une expertise médicale qui a conduit Courroye à enterrer le rapport de la Brigade financière. Pourtant, précise France Inter, "dans dans un rapport du 7 avril 2008 effectué à la demande du parquet de Nanterre (uniquement à partir de pièces médicales issues du dossier de Liliane Bettencourt), le neurologue Philippe Azouvi, concluait à la nécessité d'un examen approfondi de la milliardaire, ajoutant que «Liliane Bettencourt présente au moins depuis septembre 2006 une probable vulnérabilité liée à une vraisemblable affection neurologique dégénérative affectant ses facultés intellectuelles»"
(Par Julie Brafman)