Karachi, dangers du tapage

Daniel Schneidermann - - 0 commentaires

Alors, en ce lundi matin, rétrocommissions, ou pas rétrocommissions ?

Et si oui, lien ou non, avec l'attentat de Karachi ? Le seul élément clair, ce sont de forts soupçons de rétro...pédalage. Prenons Villepin, secrétaire général de l'Elysée en 1995, à l'époque où Chirac décide de cesser le versement de certaines commissions liées aux ventes d'armes aux Pakistanais. Vendredi soir, sur TF1, Villepin relate que l'Elysée avait en 1995 "de forts soupçons de rétrocommissions". Dimanche soir sur TV5, ces "forts soupçons" sont devenus de simples "soupçons", sans "preuve formelle de rétrocommissions". De l'importance de la sémantique. S'agit-il de deux manières de dire la même chose en semblant dire le contraire, ou de deux manières de dire le contraire en faisant mine de dire la même chose ?

Idem pour le nommé Michel Mazens, ex-cadre supérieur de l'armement. Dans une déposition devant le juge Van Ruymbeke, publiée jeudi par Mediapart, il racontait qu'un responsable de la DCN avait fait état devant lui, si le versement des commissions était interrompu, de "risques" pour les expatriés français au Pakistan. Mais, nuance-t-il aujourd'hui à Guillaume Dasquié, de Libération, ce n'étaient pas des risques "physiques". On redoutait plutôt, à la DCN, "des frictions ou des tensions entre les Pakistanais et les personnels de la DCN". Vertiges du lecteur. Doit-on plutôt croire la déposition de Mazens devant Van Ruymbeke, ou son interview par Dasquié ? La vérité judiciaire, ou la vérité médiatique ?

Vertiges du lecteur, et trembement de la vérité. Il y a deux manières d'étouffer un scandale : l'indifférence, et le tapage. Devant la gravité potentielle de l'enquête sur l'attentat de Karachi, dès lors que la Justice y subodorait un lien avec le financement de la campagne de Balladur en 1995, nous avons ouvert dès juin 2009 un dossier, sur le site. A l'époque, de terrifiantes allégations tombaient dans le trou noir de l'indifférence des jités de 20 Heures, qui regardaient ailleurs. Le scandale de Karachi est aujourd'hui tout aussi potentiellement grave, et même davantage, le faisceau de soupçons autour de l'existence de rétrocommissions ne cessant de se resserrer. Simplement, ce n'est plus l'indifférence qui le menace, mais le tapage.

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