Fillon : Le Monde et Mediapart, deux Lacharrière ?
Juliette Gramaglia - - 0 commentairesMarc Ladreit de Lacharrière sous les lumières. Le milliardaire, dont le nom est apparu dans "l'affaire Penelope Fillon", a été l'objet ce 26 janvier d'un portrait dans Le Monde, où l'on en apprend beaucoup sur ses activités de mécène. Et un peu moins sur le népotisme énergique du milliardaire. Un népotisme bien davantage mis en avant dans un autre portrait sur Mediapart.
Deux médias, deux tons. Le Monde et Mediapart ont consacré ce 26 janvier chacun un portrait à Marc Ladreit de Lacharrière. Le nom de ce milliardaire est apparu dans "l'affaire Penelope Fillon", dont @si vous parlait ici. Il est le propriétaire de la Revue Des Deux Mondes. Une revue qui a employé l'épouse de François Fillon pendant un an et demi, pour un salaire de 5 000 euros brut mensuels. Dans ce laps de temps, l'épouse du candidat à la présidentielle n'a publié que deux résumés de livres.
Article du Monde, 26 janvier 2017
Comment le Monde présente-t-il Lacharrière, notamment actionnaire principal de Webedia ? Comme un "mécène" des arts. Plus que cela : il est un véritable "Laurent de Médicis du XXIème siècle", raconte Ariane Chemin. Un homme qui "multiplie les festivités" et a créé de nombreux prix littéraires (notamment le Prix de l'audace créatrice, le prix du livre d'économie, ou encore le prix du livre politique). La "32ème plus grosse fortune de France donne de l'argent aux arts" (au Musée du Louvre, notamment). Le milliardaire est aussi passionné d'arts premiers – et expose actuellement cinquante-neuf oeuvres "personnelles" au Musée du quai Branly, note Le Monde. Une information d'ailleurs rappelée par une publicité en page 10 du Monde des Livres en date du 27 janvier. C'est dans cette même édition papier du 27 janvier que paraîtra le portrait du propriétaire de la holding Fimalac.
LeMonde évoque aussi les amitiés politiques de tous bords de Lacharrière. Le soutien à Philippe Séguin (RPR) pour la campagne du "non" au traité de Maastricht en 1992. Le financement pour la fondation Agir de Martine Aubry (PS) contre l'exclusion au début des années 1990. Sans oublier la présidence du comité de soutien à Rachida Dati (Les Républicains) en 2008, lorsqu'elle se présentait pour la mairie du 7e arrondissement. Les relations avec Laurent Fabius (PS), qui siégeait au comité consultatif de son agence de notation Fitch, ou avec Jacques Chirac - "un intime", nous apprend Chemin. Et enfin le soutien à Fillon. L'ancien Premier ministre, qui a fait la une du dernier numéro en date de La Revue Des Deux Mondes – une couverture qui laisse "comme un léger goût d'inceste", estime la journaliste du Monde.
Interrogé par Le Monde, Lacharrière déclare : "Je n'ai jamais sollicité un marché public, jamais financé un candidat. Je ne suis au service d'aucun homme politique".
"Ce que j'aime, c'est tirer les ficelles"
Lacharrière n'aurait donc jamais financé un candidat ? L'affirmation est mise à mal par un second portrait, réalisé cette fois par Mediapart. Le site rappelle que l'homme d'affaires, propriétaire également du site PureMédias, "fut l'un des donateurs du micro-parti [de Nicolas Sarkozy] pour sa campagne présidentielle". De manière générale, le ton du portrait rédigé par Lucie Delaporte détonne avec celui du Monde. Plutôt que de s'intéresser à l'activité de mécénat du propriétairede la holding Fimalac, la journaliste met l'accent sur son népotisme : "Il est vrai qu’en bon parrain de la place parisienne, il n’aime rien tant que se rendre utile, ironise-t-elle. Lorsque la compagne de son grand ami Franz-Olivier Giesbert, Valérie Toranian, est débarquée de la direction du magazine Elle en septembre 2014, Ladreit de Lacharrière lui offre illico la direction de La Revue des Deux Mondes." Delaporte rappelle enfin qu'en 2002, le milliardaire avait accordé une prime de près de 9 millions d'euros à sa compagne Véronique Morali, directrice générale de Fimalac à l'époque. Une prime que Le Monde n'a pas mentionnée dans son portrait, se contentant de noter que la compagne de Lacharrière est la "fondatrice du site TerraFemina".
Article de Mediapart, 26 janvier 2017
Sur Mediapart, Delaporte ressort également des archives une citation de l'homme d'affaires, dans laquelle il déclarait : "Ce que j'aime, c'est tirer les ficelles". Et la journaliste de conclure : "Si [Lacharrière] a su s'attirer les bonnes grâces de nombre de patrons et personnalités politiques, soncoup de main à l'épouse de François Fillon pourrait bien, cette fois, devenir l'un des plus gros boulets de son poulain à quatre mois de l'élection présidentielle".