Voiture police incendiée à Paris : récits divergents

Justine Brabant - - 0 commentaires


Que s'est-il passé, quai de Valmy à Paris, en marge de la manifestation de policiers dénonçant la "haine anti-flics" ? Une voiture de police a été incendiée, mais les versions ont un temps divergé sur le sort réservé aux policiers : ont-ils été agressés par de nombreux manifestants, ou seulement par quelques uns ? En quelques heures, les vidéos et photos postées sur les réseaux sociaux ainsi que les témoignages de journalistes sur place ont permis de reconstituer le fil des événements.

La préfecture de police a-t-elle diffusé une version exagérée de l'incendie d'une voiture de police ce 18 mai à Paris, quai de Valmy ? Dans le récit de la préfecture, notamment repris par l'Agence France-presse dans ses dépêches, "cent à 150 [participants à la contre-manifestation visant à dénoncer les violences policières] se trouvaient sur le quai de Valmy quand ils ont croisé cette voiture de police. Une quinzaine d'entre eux se sont alors mis à taper avec des barres de fer sur le véhicule, ont tenté de faire sortir de force les deux fonctionnaires qui étaient à l'intérieur, avant de jeter un cocktail molotov par la lunette arrière brisée, selon la même source. Les deux policiers se sont extirpés du véhicule et ont pu s'enfuir", peut-on ainsi lire dans un compte-rendu réalisé par le site du Point à partir de dépêches AFP.

Plus loin, le préfet lui-même, cité entre guillemets, ajoute qu'il condamne "très fermement l'action violente dirigée à l'encontre" des policiers, qui "n'ont pu s'échapper que dans des conditions extrêmes face à une agression d'une grande brutalité". Une version des faits que l'on peut comparer à une vidéo des mêmes événements, mise en ligne par le journaliste Hugo-Pierre Gausserand :

 

La vidéo montre bien des policiers sortant de leur voiture alors que l'incendie est déjà déclenché (de la fumée sort de l'arrière du véhicule dans les premières secondes du film). Mais elle semble également infirmer la version de la préfecture sur la question de "la grande brutalité" de l'agression des policiers. On voit un participant (manifestant ?) faire sortir, sans violence particulière, une policière assise sur le siège passager. Au second plan, un autre policier semble lui aussi s'éloigner de la voiture sans être pris particulièrement à partie.

C'est quelques heures plus tard, qu'une autre vidéo, filmée sous un autre angle, a documenté la violence de l'agression, en particulier un premier coup de pied porté contre la vitre côté conducteur, à quelques centimètres du visage du policier, puis l'attaque répétée du même policier à coups de bâton. Il montre également comment la vitre arrière a été brisée et le fumigène qui a déclenché l'incendie introduit à l'intérieur du véhicule. Le policier attaqué sort brièvement son arme de service alors qu'il se trouve dans la voiture (à 3'41 de la vidéo), puis la range et fait face à l'homme qui l'attaque à mains nues.

Quelques heures plus tôt, d'autres témoignages et images avaient déjà semblé étayer l'hypothèse de l'agression physique des policiers (bien qu'ils mettaient le récit de la préfecture en doute sur d'autres points). Il s'agit en particulier de cette série de photos publiées sur le site de l'Obs, ainsi que du témoignage d'un reporter du journal présent sur place, Lucas Burel. Premier constat : l'engin qui a servi à mettre le feu à la voiture n'est pas un cocktail molotov, ainsi que l'assure la préfecture, mais un fumigène, jeté par l'homme à gauche de la photo par la lunette arrière de la voiture, qui vient d'être cassée par le deuxième homme, au centre.

Second constat : les personnes qui s'en sont prises à la voiture ne seraient pas "une quinzaine", comme avancé également par la préfecture, mais "quatre ou cinq", selon Burel. Quid de l'attitude des assaillants vis-à-vis des policiers eux-mêmes ? Pas de réponses sur les photos, mais le journaliste de l'Obs témoignait notamment de coups donnés à un manifestant proposant son aide à un policier blessé par d'autres manifestants : "J'ai tenté d'aider le policier qui avait une énorme entaille au front en lui proposant une compresse. D'autres manifestants m'ont frappé", témoigne ce dernier, cité par l'Obs.

Une autre journaliste a recueilli le témoignage d'un manifestant (peut-être le même) qui a pris "des coups de poing" lorsqu'il a voulu aider l'un des policiers. Faustine Vincent, du Monde, rapporte ainsi : "Loïc (pseudo) ex-secouriste Nuit Debout a soigné l'un des deux policiers blessés quand les casseurs ont incendié leur voiture : «Il y avait deux policiers dans la voiture incendiée. L'homme était blessé à l'arcade. La femme était choquée. Après j'ai été agressé par des manifestants à coups de poings car j'avais soigné un policier. Ils m'ont dit : 'T'aurais dû le laisser crever' »."

Le parquet de Paris a annoncé en milieu d'après-midi avoir ouvert une enquête pour "tentative d'homicide volontaire".

Mise à jour 21 heures : mention et lien de la seconde video, qui montre directement les coups portés à l'un des policiers.

Mise à jour 19/05, 10h : précision sur le fait que le policier sort brièvement son arme de service alors qu'il est encore dans son véhicule (contrairement à ce que nous écrivions dans une précédente version de cette brève).

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