Prudhommes : "Bore out", ou placardisation ?

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Pour la presse, le "bore out" semble désormais plus vendeur que le simple "ennui au travail". Présenté par certains médias comme "le nouveau fléau des entreprises", le "bore out" fait les gros titres ce lundi à l’occasion de l’examen par le Conseil des prud’hommes de Paris du cas d'un Parisien de 44 ans, Frédéric Desnard, qui accuse son ancien employeur de l'avoir conduit à l'épuisement en le mettant pendant près de quatre ans au "placard". Il poursuit l'entreprise Interparfums pour "harcèlement moral" et "licenciement abusif" après avoir été congédié en 2014 au motif d’absences prolongées pour arrêts maladie. Comme il le raconte à l’AFP, le syndrome "d’épuisement professionnel par l’ennui" a été pour lui "une longue descente aux enfers insidieuse, un cauchemar" qui a conduit à "de graves problèmes de santé: épilepsie, ulcère, troubles du sommeil, grave dépression".

Article publié sur le site du Point le 2 mai 2016

20Minutes.fr, 02/05/2016

FranceInfo.fr, 02/05/216

FranceTvInfo.fr, 02/05/2016

Mais comme souvent aux prud’hommes, l’histoire semble en réalité plus complexe. Comme l’explique le journal 20 minutes, Desnard avait été condamné en 2015 à 1 000 euros d’amende pour diffamation après avoir contacté une journaliste dans l'espoir de médiatiser son cas. La justice avait alors considéré qu’il était "inspiré par le ressentiment et l’animosité personnelle" contre son employeur. Selon l’avocat de la défense, il aurait "changé d'argumentaire au fil du temps, parlant d'abord de burn-out, épuisement professionnel par suractivité, puis à partir de 2015 seulement, de bore out".

Malgré les zones d'ombres, nombreux sont les médias à insister sur le "premier cas de bore out" aux prud'hommes. L'occasion d'illustrer ce nouveau syndrome de la souffrance au travail jugé "ignoré" voir "tabou" ? Pourtant, selon l'avocat spécialiste du droit du travail Sylvain Niel interrogé par l'AFP, la justice prend déjà en compte les faits de harcèlement liés à l'ennui professionnel. "Il existe 244 arrêts de la chambre sociale de la cour de Cassation portant sur des faits de mise au placard ou de déshérence professionnelle intentionnelles, considérés comme harcèlement moral" explique-t-il. Le succès médiatique que rencontre ce nouvel anglicisme masque par ailleurs le débat qui divise les spécialistes, économistes comme médecins du travail, sur l'ampleur de ce syndrome qui n'est, au même titre que le "burn out", toujours pas considéré comme une maladie du travail.

(par Maxime Jaglin)

Pour tout comprendre au "bore out", relisez notre enquête "Bore out : tabou ou concept bidon ?"

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