Bolloré : diriger un grand groupe "mérite un peu de terreur" (Les Jours)

La rédaction - - Financement des medias - 0 commentaires

Ce sont treize pages qui manquaient au dossier Bolloré. Le site Les Jours (qui vient d'être lancé par des anciens de Libé) publie le procès-verbal d'un comité d'entreprise du groupe Canal+ daté de septembre 2015, au cours duquel Vincent Bolloré assume la censure d'un documentaire sur le Crédit Mutuel, et estime que la direction d'un grand groupe a besoin... "d'un peu de terreur".

Le document est daté du 3 septembre 2015. Ce jour-là, le comité d'entreprise (CE) du groupe Canal+ se réunit en session extraordinaire. Vincent Bolloré est sur le point d'être nommé président du conseil de surveillance. Le CE est l'occasion pour lui de détailler ses projets pour Canal+, et de répondre aux questions des salariés sur l'été meurtrier au sein du groupe : passage des Guignols en crypté, évictions (dont celle de Rodolphe Belmer, le n°2 du groupe), et révélation par Mediapart et Society de la censure d'un documentaire sur le Credit Mutuel.

Le site Les Joursa publié dimanche 21 janvier une copie du compte-rendu de ce CE - dont des éléments partiels avaient été relayés par le syndicaliste Francis Kandel, ou encore par le journaliste de Special Investigation Jean-Baptiste Rivoire sur le plateau d'@si. On y découvre un patron manifestement à l'aise, assumant ses choix, y compris les plus décriés, et plaidant pour "un peu de terreur" au sein de son groupe.

 

Bolloré adore les journalistes (mais ses clients encore plus)

Premier élément important de ce compte-rendu : Bolloré assume - à demi-mots - la censure du fameux documentaire sur le Crédit Mutuel. À Francis Kandel (CGT), qui s'inquiète qu'un reportage de Special Investigation "a, semble-t-il, été censuré", Bolloré répond ainsi : "S'il y a dans la maison [Canal+] des gens qui n'arrêtent pas de taper sur ses clients ou ses partenaires, elle n'en aura bientôt plus du tout."

Lorsque le délégué CGT lui fait remarquer qu'il faut connaître cette ligne, Bolloré répond qu'il "faut donner aux clients des sujets qui les intéressent. Censurer c’est empêcher quelqu’un de dire des choses vraies, mais attaquer la BNP, LCL, ou le propriétaire de l’immeuble serait une bêtise." En somme : la ligne de Canal+ est celle des clients du groupe.

Un peu de terreur ne nuit pas

Les échanges portent ensuite sur le climat au sein du groupe, considérablement tendu depuis les limogeages de Rodolphe Belmer et Ara Aprikian (directeur des chaînes D8, D17 et iTELE). Des équipes chamboulées ? "Tant mieux", estime Bolloré. Car "la haute direction d'une grande maison mérite un peu de terreur, un peu de crainte" - "et il ne plaisante pas en disant cela", précise le PV. Mieux : cette petite dose de terreur "permettra au contraire aux collaborateurs du dessous de s'épanouir et de réussir".

Plus tard, au secrétaire du comité hygiène et sécurité, qui insiste sur l'importance de mesurer les risques psychosociaux chez les salariés du groupe, l'homme à la tête de la neuvième fortune de France assure "que la classe qu’il faut rassurer est plutôt celle des employés d’autant qu’il y a beaucoup de licenciements. De son point de vue, le cadre de haut niveau à moins à craindre et il faut protéger les couches laborieuses."

L'occasion de revoir notre émission avec le rédacteur en chef adjoint de Special Investigation (et délégué syndical CNJ-CGT chez Canal+) Jean-Baptiste Rivoire : "Bolloré et Hollande ont un intérêt conjoint à étouffer l'investigation"

Lire sur arretsurimages.net.