COP 21 : objectif 1,5°C physiquement impossible à atteindre (Huet)
La rédaction - - 0 commentairesSchizophrénie avouée… mais à moitié pardonnée ? Dans un bilan sur l’Accord de Paris signé à l’issue de la COP21, le journaliste de Libération Sylvestre Huet s’étonne sur son blog de l’apparition dans le texte de l'accord de l'objectif de ne pas dépasser de 1,5°C le réchauffement de la planète d’ici la fin du siècle. Petit hic : cet objectif est physiquement impossible à atteindre.
Si l’objectif de ne pas dépasser de 2°C le réchauffement planétaire d’ici la fin du siècle ne peut être atteint au regard des engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre formulés par les pays participants à la COP21 – comme nous le disions dès le mois d’octobre – alors pourquoi inclure dans le texte de l’accord le chiffre de 1,5°C souhaité par les pays vulnérables et soutenu par les ONG environnementalistes ? C’est la question que se pose aujourd’hui le journaliste de Libération Sylvestre Huet – par ailleurs auteur d’une analyse (à charge) du rapport de l’Ademe sur l’électricité renouvelable épluché ici.
Dans un billet de blog consacré au bilan de l’accord de Paris signé le 12 décembre – et salué comme une réussite diplomatique mais un échec climatique – le journaliste s’étonne en effet que le chiffre de 1,5°C ait réussi à s’inviter dans le texte alors qu’il est physiquement impossible de ne pas le dépasser comme il l’expliquait déjà sur son blog le 4 décembre dernier. Impossible ? Huet image son propos : "si les 7,3 milliards d'êtres humains se faisaient harakiri demain matin, et éteignaient la lumière en quittant la scène, la température moyenne planétaire grimperait tout de même d'environ 0,6°C. Or, la température d'octobre 2014 titille déjà le 1°C de plus qu'à la fin du 19ème siècle. Certes, elle va probablement redescendre d'un chouïa lorsque le Niño en cours dans le Pacifique tropical va se calmer, au printemps prochain. Mais pas pour longtemps". Autrement dit : les 1,5°C de réchauffement sont inéluctables.
"Comment ce 1,5°C inatteignable est-il arrivé dans le texte ?" se demande alors Huet qui en souligne le caractère schizophrène. "Parce que le refuser, même au nom de la simple prise en compte de la science du climat, aurait bloqué l'adoption de l'accord par les pays les plus vulnérables". Du coup, le journaliste de Libé tente une lecture optimiste de ce chiffre qui permettrait "de hâter le moment où les pays les plus pauvres et les plus vulnérables pourront s'appuyer sur le texte adopté à Paris pour dire aux responsables historiques du changement climatique et aux plus gros émetteurs par habitant qu'ils doivent compenser les dégâts subis". Cela dit, ajoute-t-il, "rien dans le texte ne comporte d'obligation à cet égard pour les pays riches".
Schizophrénie mais avouée (et donc à moitié pardonnée) ? Huet est formel : "le texte de l'Accord de Paris ne doit pas être qualifié de mensonger. Il dit explicitement que le compte n'y est pas. Mais pourquoi ? Nombre d'ONG ont une réponse militante toute prête à cette question : c'est la faute des lobbies des énergies fossiles". Une réponse que le journaliste classe dans la catégorie des "bisounours du climat". Et de prendre l’exemple "des transports maritimes et aériens, dont le texte [de l’accord] ne parle pas, après exclusion d'un paragraphe les traitant". Selon Huet, "la taxation du kérosène sur toutes les lignes intérieures de l'Union Européenne est techniquement, politiquement et économiquement possible […]. C'est par choix que les gouvernements la refusent. Et surveillent comme le lait sur le feu les commandes d'avions, qui fournissent, en France, du travail aux usines employant le plus grand nombre d'ouvriers et d'ingénieurs". Conclusion : les gouvernements ne suivent pas les industriels, ils les précèdent.
>> Pourquoi le message de l'urgence climatique a tant de mal à passer ? Regardez notre débat entre Catherine Guilyardi, journaliste, et son frère Eric Guilyardi, climatologue et océanographe, ancien membre du GIEC.