Faux témoignages dans Madame Figaro ? (BuzzFeed)

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Des collégiennes prostituées, une pédopsychiatre anonyme, des écrivains qui ne veulent pas donner leur nom : selon BuzzFeed, une enquête interne a été lancée par la Société des journalistes du Figaro pour vérifier si de faux témoignages n'ont pas été publiés sur le site de Madame Figaro.



La version web de Madame Figaro ? Ce sont principalement des articles de société avec des témoignages forts. Trop forts ? Un article publié le 14 avril, intitulé "L’inquiétante arrivée de la prostitution dans les collèges" a suscité des interrogations au sein de la rédaction, comme l'explique BuzzFeed. Signé par Nicolas Basse, un stagiaire, l'article pourrait comporter deux faux témoignages de collégiennes censées s'être prostituées.


BuzzFeed s'est procuré les différentes versions de l'article, modifié dans le backoffice (l'espace d'un site où sont rédigés les contenus) avant publication. Dans la première version du papier, mis dans le backoffice le 10 avril 2015, ne figure aucun témoignage de collégienne. Seule la présidente de l’association Agir contre la prostitution des enfants, Armelle le Bigot-Macaux, témoigne et affirme que "la prostitution occasionnelle dans les toilettes des établissements est très élevée, partout. Et le phénomène est encore plus développé dans les beaux quartiers. Ils sont de plus en plus nombreux à proposer une vingtaine d’euros en échange d’une fellation, d’un attouchement, et de plus en plus [à] accepter…"

Première version de l'article dans le backoffice

Trois jours plus tard, selon l'historique du backoffice de Madame Figaro, la rédactrice en chef MadameFigaro.fr, Cécilia Gabizon, relit l'article. Qui ne comporte toujours pas de témoignage de collégiennes. C'est le lendemain, le 14 avril, que les propos de la présidente de l'association sont raccourcis dans le papier. Et pour cause : deux témoignages de collégiennes, qui confirment les propos de la présidente de l'association, apparaissent. "En quatrième, j’ai pratiqué des actes sexuels avec un garçon de ma classe dans les toilettes du collège pour 15 euros. Pour moi, ce n’était pas très grave, d’autres copines l’avaient déjà fait", témoigne Julie, qui vit dans les "beaux quartiers de la capitale". Une autre collégienne, appelée Caroline, assure avoir "fait une fellation et pratiqué la sodomie avec deux garçons pour avoir un téléphone". Deux témoignages, auxquels s'ajoute celui d'une pédopsychiatre "dont le nom a été changé", précise l'article, et qui confirme le témoigne des collégiennes : "Ce phénomène s’étend", assure-t-elle. Dans son cabinet du 16e arrondissement, elle aurait "reçu, depuis la rentrée, une dizaine de jeunes de l’ouest parisien qui ont échangé leur corps contre une petite somme ou un objet".

D'après BuzzFeed, plusieurs éléments ont interpellé la SDJ du Figaro : "le fait que deux nouveaux témoignages et l’avis d’une pédopsychiatre illustrant parfaitement l’angle de son article apparaissent en seulement un jour et qu’il n’ait pas nommé la pédopsychiatre qui appuie justement son angle". Autre détail troublant : le seul témoin de l'article qui a accepté d'être cité nommément, Armelle le Bigot-Macaux, assure aujourd'hui... ne pas avoir eu le journaliste au téléphone. "Je n’ai jamais pu tenir les propos qui sont rapportés dans ce papier. C’est impossible", a-t-elle déclaré à BuzzFeed.

De son côté, l'auteur de l'article, Nicolas Basse assure que tous les témoignages sont vrais, qu'il a bien eu au téléphone Armelle le Bigot-Macaux. Les collégiennes ? Dans un premier temps, l'ancien stagiaire assure avoir rencontré les deux collégiennes... avant de livrer une autre version. Il n'en aurait rencontré qu'une, et aurait eu l'autre au téléphone. Quant à la pédopsychiatre, elle aurait souhaité rester anonyme car elle ferait l'objet de poursuites judiciaires dans une autre affaire.

Deux autres articles sont suspects



D'après BuzzFeed, d'autres articles du site de Madame Figaro poseraient problème. Dans un article sur les relations entre patrons et employés, publié le 7 octobre, aucun témoignage ne figurait dans la première version dans le backoffice. Trois témoignages finissent par apparaître après relecture de la rédactrice en chef de MadameFigaro.fr, Cécilia Gabizon. Dans un troisième article sur l'autopublication, trois écrivains témoignent de manière anonyme alors qu'on imagine qu'ils voudraient plutôt se faire connaître.

Contacté par BuzzFeed, la rédactrice en chef nie tout bidonnage : "Les bras m’en tombent, c’est absurde. (…) J’ai 20 ans de carte de presse, je n’ai pas eu le moindre procès après tous les papiers que j’ai faits. Et je passe mon temps à m’occuper de jeunes et à leur apprendre ce que c’est le journalisme, est-ce que je leur ferais faire de faux témoignages? Sérieusement?" Gabizon nie tout en bloc : le stagiaire aurait bien eu les collégiennes prostituées au téléphone, les témoignages ajoutés dans l'article sur les relations entre patrons et employés proviendraient de ses connaissances, "cela n’en fait pas des faux témoignages", assure-t-elle. Enquête en cours.

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