Presse US/mobile : hausse de l'audience, pas des revenus pub
Vincent Coquaz - - 0 commentairesLe "grand écart du mobile".
Le journaliste du Wall Street JournalJack Marshall s’interroge sur le paradoxe que connaissent actuellement la plupart des sites de presse : alors que leur audience mobile (téléphones et tablettes) explose, les revenus sur ces supports ne suivent pas. Le New York Times par exemple, a vu le nombre de ces visites bondir de 40% en un an, pour atteindre 55% du temps total passé sur le site… mais cette audience mobile ne représente toujours que 15% des revenus numériques du quotidien. Et ce fossé ("mobile gap" en version originale) est sensiblement le même dans d’autres grandes publications américaines comme le Wall Street Journal ou Forbes.
Comment l’expliquer ? Une première réponse est toute simple et d’ordre technique : la taille de l’écran permet d’intégrer moins de publicité sur téléphones et tablettes que sur les écrans HD des ordinateurs. Ainsi, même sur des pure players dont les contenus sont particulièrement bien adaptés aux nouveaux usages, "une visite mobile vaut entre deux-tiers et la moitié d’une visite sur un PC".
Surtout, les annonceurs désertent la presse pour se tourner vers les géants Facebook, Google et Twitter, qui récoltent à eux trois 56% de la part du gâteau mobile. À lui seul, "Facebook représente 37% de l’ensemble des revenus publicitaires mobiles en 2014", rappelle ainsi le journaliste.
Capture WSJ/eMarketer
La raison est simple : Google ou Facebook offrent aux annonceurs un ciblage beaucoup plus précis que les sites de presse, surtout sur mobile. Techniquement, le ciblage des publicités est en effet plus compliqué sur mobile que sur PC, notamment "à cause" de l'utilisation des applications, qui ne communiquent pas entre elles (alors que le navigateur PC garde la trace des visites passées). La force de Facebook, Google ou Twitter consiste à savoir précisément qui utilise les sites mobiles puisqu’ils disposent déjà d'une multitudes de données sur leurs utilisateurs, contrairement aux sites de presse qui ne disposent que de statistiques globales (ce qui explique pourquoi ils cherchent à en savoir plus, comme votre géolocalisation par exemple).
Et la première solution évoquée à ce problème n’augure rien de bon : "les éditeurs augmentent les investissements pour les contenus sponsorisés" (type de publicité, aussi appelé "native advertising", qu'on peut qualifier de publi-rédactionnel, en pire), note le Wall Street Journal. Le responsable commercial du site Business Insider estime ainsi que ces publicités déguisées fonctionnent "vraiment, vraiment bien sur mobile". Peut-être parce que les utilisateurs se font plus facilement avoir sur un petit écran ?
Et pour les sites sur abonnement ?
Si les données sont pour l’instant inexistantes concernant les sites sans publicité, il est possible de prendre un exemple, en France : Arrêt sur Images. Les visites mobiles comptent désormais pour près de 40% de l’audience du site arretsurimages.net, mais ne représentent que 22% de ses "conversions" (estimation de Google Analytics du nombre de personnes qui valident le formulaire d’abonnement). Un écart qui peut notamment s’expliquer par le fait que les lecteurs sont toujours moins enclins à remplir des formulaires sur un écran de petite taille et sans clavier. L’écart est ainsi beaucoup plus prononcé sur mobile (30% des visites pour 13% des abonnements) que sur tablette (10% des visites, 9% des abonnements).