Charlie : les conversations BFM/Kouachi/Coulibay (Obs Télé)
Robin Andraca - - 0 commentairesDans le traitement des attentats par les télévisions et les radios, le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA) a rendu ses conclusions. Au total, le Conseil a relevé 36 manquements, dont 15 ont donné lieu à une mise en garde et 21, jugés plus graves, ont justifié des mises en demeure. Aucune sanction n'a, en revanche, été prise.
Le CSA a rendu ses décisions dans le traitement des attentats de janvier. Le Conseil a constaté sept manquements, de la diffusion d'images du policier Ahmed Mebaret abattu par les frères Kouachi à celles de l'assaut des forces de l'ordre dans le magasin Hyper Cacher. Si les chiffres étonnent, aucune sanction plus forte n'a été prononcée à l'encontre des chaînes de télévision ou des radios. Le CSA a préféré s'en tenir aux mises en garde et aux mises en demeure. Si la seconde est plus grave que la première et peut déboucher en cas de réitération à l'ouverture d'une procédure de sanction, les deux ont valeur d'avertissement et une vocation "pédagogique".
Sans surprise, les chaînes d'information en continu ont été les plus citées. LCI, la chaîne du groupe TF1 pointe à la première place avec deux mises en garde et trois mises en demeure. BFM écope de, son côté, de deux mises en garde (concernant la "divulgation de l'identité d'une personne mise en cause comme étant l'un des terroristes", la diffusion d'images ou d'informations concernant le déroulement des opérations à Dammartin et à Vincennes) et d'autant de mises en demeure ("pour avoir annoncé que des affrontements contre des terroristes avaient lieu à Dammartin alors qu'Amedy Coulibaly était encore retranché Porte de Vincennes" et "pour avoir diffusé des informations concernant la présence de personnes cachées dans les lieux de retranchement des terroristes"). Sur ce dernier point, BFM se trouve dans une position inconfortable depuis que le RAID a démenti la version de la chaîne qui, accusée d'avoir mis en danger la vie plusieurs otages de l'hyper cacher de Vincennes le 9 janvier, affirmait que les otages étaient en sécurité. Sa principale chaîne concurrente, iTélé, écope elle de deux mises en demeure et une seule mise en garde.
Les radios ont également été rappellées à l'ordre. France Info, France Inter, RFI, RMC et RTL ont toutes été mises en demeure après avoir annoncé, elles aussi, que des affrontements contre les terroristes avaient lieu à Dammartin alors que Coulibaly était encore retranché Porte de Vincennes (le détail de toutes ces décisions est disponible sur le site du CSA).
"Je suis Cherif Kouachi... Tu veux savoir quoi, BFM TV ?"
Hasard du calendrier, dans son supplément télé de cette semaine, L'Obs revient sur les 70 heures de folie qui, entre le 7 et le 9 janvier 2015, ont secoué BFM Télé. L'Obs dévoile, notamment, les coups de téléphone échangés entre les dirigeants de la chaîne et le Premier ministre, Manuel Valls. Une première fois, le 8 janvier : Alain Weill, président du groupe actionnaire majoritaire de BFM, reçoit un coup de fil de Valls, "taraudé par le sentiment que les infos donnés la veille ont gêné les autorités". Weill se défend comme il peut : c'est sur les réseaux sociaux, selon lui, qu'ont surgi les éléments les plus gênants. Second coup de fil, le lendemain : Hervé Béroud, directeur de la rédaction de BFM, muni d'un enregistrement quelque peu encombrant entre l'un de ses journalistes et Chérif Kouachi, appelle Valls sur son portable, qui décroche immédiatement : "Je suis avec Bernard Cazeneuve. Hervé, je vous demande d'être responsable...".
Il est aussi question des discussions entre les trois terroristes et la rédaction de BFM. C'est d'abord un peu par hasard qu'Igor Sahiri, journaliste de la chaîne, à la recherche de témoignages d'habitants de Dammartin, tombe sur Chérif Kouachi au bout du fil. "Bonjour, je suis journaliste sur une chaîne d'info nationale (...) Tout va bien ?". "Oui, tout va bien, la prise d'otages est ici. On attend la police". "Vous êtes le responsable de l'imprimerie ?". "Je suis Chérif Kouachi [...] Tu veux savoir quoi, BFM TV ? Si t'es un keuf, dis-le franchement, y a pas de problème". Quelques heures plus tard, Amedy Coulibaly appelle BFM : "Je veux que vous donniez mon numéro à la police pour que je puisse négocier avec eux [...] Maintenant, euh, est-ce que vous voulez des infos pour votre chaîne ou pas ?". "Est-ce que vous savez combien de personnes se trouvent avec vous dans l'épicerie ?" questionne alors BFM. "Euh... pfff... y a... 4 morts". "Vous avez visé ce magasin pour une raison particulière ?". "Oui". "Laquelle ?". "Les juifs [...] Ca suffit, pour le moment, c'est bon. Transmettez mon numéro à la police".
L'occasion de relire notre article : "BFM a-t-elle mis en danger la vie des otages de l'Hyper Cacher ?".