Cabu : les cons ont la vie dure

Alain Korkos - - 0 commentaires

De Hara-Kiri à Charlie Hebdo, comment Cabu m'a aidé à grandir.

Cabu, autoportrait

Même s'il commença sa carrière dès 1960 dans le mensuel Hara-Kiri, Cabu fut d'abord, pour les gens de ma génération, le père de ce grand escogriffe binoclard nommé Duduche. Duduche, éternel amoureux de la fille du proviseur, naquit en 1963 dans le numéro 167 de l'hebdomadaire Pilote. J'allais sur mes huit ans, et à l'époque je ne comprenais pas forcément tout ce que racontait son auteur.

Le Grand Duduche à la une, dans le n°179 de Pilote du 28 mars 1963 :


Les couvertures des deux premiers albums, parus en 1967 et 1972 :


Le grand Duduche, c'était un peu le petit Nicolas de Sempé et Goscinny qui avait grandi. Et je grandissais avec lui, plus vite que les autres qui n'avaient pas la chance de lire Pilote, et j'épiais déjà de loin les filles occupant la partie féminine du collège.

 

Quand, après 68, Duduche devint écolo et antimilitariste, je le devins aussi. C'était l'époque Flower Power, Make Love Not War, la comédie musicale Hair au Théâtre de la Porte Saint-Martin dont j'avais les autocollants en forme de fleur collés sur mon carton à dessin rempli de croquis tremblotants.

La couverture du 3e album des aventures du Grand Duduche, 1973 :


La 4e de couverture, avec ses théâtreux de rue répandant la culture populaire dans les cités HLM :


C'était aussi l'époque de La Gueule ouverte, canard dans lequel Cabu dessina en compagnie de Gébé et Reiser qui y traçait notamment des plans de maisons alimentées en électricité grâce à des panneaux solaires. On y apprenait qu'une autre vie était possible, on lisait René Dumont et L'an 01 de Gébé…


…on rêvait de moutons dans les Causses, on manifestait à Creys-Malville contre le projet de centrale nucléaire Superphénix. En 1976 parut Mon Beauf, album dans lequel Cabu racontait par je ne sais quel miracle la vie de mon voisin de palier, garagiste sympathisant FN et amateur de bière Valstar :


Parallèlement, Cabu dessinait pour Hara-Kiri Hebdo qui, censuré en 1970, deviendra Charlie Hebdo ; pour Le Canard enchaîné également, mais aussi pour Récré A2 et Droit de réponse de Michel Polac. Le 8 février 2006, il illustra la couverture de ce numéro de Charlie Hebdo qui publia les caricatures de Mahomet. «Mahomet débordé par les intégristes. C'est dur d'être aimé par des cons… »



Les cons ont frappé aujourd'hui. Durement. Et Cabu, l'un de ces papas d'adoption qui m'aida à grandir, est mort. Et aussi Wolinski, et Charb, et Tignous, et Bernard Maris, et d'autres encore. Les cons, eux, ont la vie dure.

Lire ici le récit, heure par heure, de l'attentat contre Charlie hebdo, et ici la chronique de Daniel Schneidermann : Cabu et les autres, un 11 septembre intime

Lire sur arretsurimages.net.