Cadrage et légendage, les deux mamelles de la photo de reportage
Alain Korkos - - 0 commentairesOn avait récemment évoqué ce sujet avec la reddition du général Von Choltitz, on en avait parlé il y a plus longtemps avec des monuments vus de près ou de loin et avec des campagnes publicitaires du Monde, cadrage et légendage sont les deux mamelles de la photo de reportage.
Démonstration par l'exemple : Prenez une photo, resserrez-la plus ou moins, écrivez une légende, racontez l'histoire de votre choix. Ou bien, observez ce travail exécuté par d'autres. C'est ce qu'a fait l'ESJ Pro, (l'École supérieure de journalisme) qui, suite à notre article à propos de la reddition du général Von Choltitz, nous envoya ces trois unes via Twitter :
Sur celle de L'Alsace, Valls et Montebourg sont ensemble en route vers un remaniement. «Valls : remaniement à hauts risques » Montebourg sourit.
Sur la une du Berry républicain, plan plus serré, l'ombre de Valls au centre prend de l'importance, sépare les deux hommes. « Après 147 jours, le gouvernement valse». Le jeu de mots inédit fait rigoler Montebourg.
Sur la une du Courrier picard enfin, gros plan sur Montebourg ; l'ombre pourrait être la sienne. «Montebourg viré, Montebourg libéré». Le titre fait allusion au «Paris martyrisé ! Mais Paris libéré !» du général de Gaulle (cette une parut le 26 août, lendemain de l'anniversaire de la Libération de Paris). Montebourg exulte.
Trois photos, trois légendes, trois histoires.
Le cadrage de plus en plus serré permet, grâce à la suppression du contexte, de raconter ce qu'on veut. C'est le cas ci-dessus, et ça l'est encore ci-dessous avec cette une parue aujourd'hui sur le site du Monde.fr :
« Hollande devient le président le plus impopulaire de la Ve République », nous dit la légende. Le gros plan, décontextualisé, n'a ici qu'une seule fonction, servir d'illustration au titre.
Il faut aller sur le site d'iTélé pour savoir où elle a été prise : au sommet de l'Otan à Newport, au Pays de Galles. Il s'agit là d'une vidéo terrible, un long plan de sept secondes nous montrant « François Hollande seul au monde, au sommet de l'Otan ». Le plan, plus large, n'a pas été pris du même endroit que la photo précédente. Mais il s'agit du même moment :
Là encore, deux cadrages, deux histoires (un troisième cadrage nous aurait peut-être montré que François Hollande était en train de consulter ses mails sur son téléphone !).
« On ne sait rien quand on ne sait pas tout », disait Le Monde dans une campagne publicitaire parue en 1998 :
Ça n'a jamais été aussi vrai.
L'occasion de lire ma chronique intitulée Splendeur et misère du reporter photographe.
Photo issue du tout premier reportage photographique,
Le zouave blessé, guerre de Crimée par Roger Fenton, 1855