Critique de restaurant : blogueuse condamnée
Vincent Coquaz - - Silences & censures - 0 commentaires"Nouveau : des restaurants poursuivent leurs clients qui osent les critiquer. Il faut dire qu’ils trouvent des juges pour leur donner raison."
L'avocat-blogueur Maître Eolas s'étonnait hier soir de la décision du Tribunal de Grande Instance de Bordeaux le 30 juin dernier, qui a condamné en référé la blogueuse "L'Irrégulière" à 1500 € à titre de provision sur dommages et intérêts et 1000 € de frais de procédure (article 700 du code de procédure civile), pour une critique d'un restaurant du Cap Ferret (33).
Ce restaurant avait peu apprécié un post de "L'Irrégulière" titré "L’endroit à éviter au Cap-Ferret" suivi du nom de l'établissement (l'article a depuis été retiré mais est toujours disponible en cache ici) publié en août 2013, et qui apparaissait en première page de Google lorsqu'on tapait le nom du restaurant. Le papier déplorait notamment la désorganisation du service dans l'établissement et l'attitude de la patronne des lieux, qualifiée de "diva". "Tout ça pour deux apéritifs... à quoi tiennent les guerres" concluait le post, en référence à une sombre histoire d'apéritifs arrivés en même temps que le plat principal (que la blogueuse avait donc renvoyé). Le blog Les Chroniques Cultur'elle traite de sujets variés comme la littérature, ou la télévision et très peu de cuisine |
"Ils ne m'ont même pas demandé de supprimer l'article ou de modifier le titre avant de m'attaquer en référé [procédure judiciaire d'urgence]. J'ai donc été complètement prise de cours et j'ai choisi de ne pas prendre d'avocat pour des raisons pratiques, je n'avais même pas le temps d'en trouver un !" se désole la blogueuse qui précise à @si qu'elle ne compte pas faire appel de la décision, et qu'elle a choisi elle même de supprimer l'article même si le tribunal ne l'y obligeait pas (seul le titre devait être modifié).
"L'article relevait plus de l'insulte que de la critique"
Du côté du restaurant, la gérante estime de son côté que l'article en question "relevait plus de l'insulte que de la critique". "La blogueuse est venue une seule fois dans le restaurant : je m'en souviens très bien alors que je sers 300 personnes par jour, c'est vous dire si elle était aimable. Et elle écrit un article où elle qualifie une de mes serveuses de harpie. Je ne peux pas laisser passer ça. Peut-être qu'il y a eu des erreurs dans le service, ça arrive parfois en plein mois d'aout, je le reconnais. Mais cet article montait dans les résultats Google et faisait de plus en plus de tort à mon commerce, alors qu'on bosse sept jours sur sept depuis 15 ans, je ne pouvais pas l'accepter. On peut critiquer mais il y a une façon de le faire, dans le respect, ce qui n'était pas le cas ici. Maintenant la justice s'est prononcé et pour moi l'affaire est close" détaille la propriétaire.
"A ma connaissance, c'est la première fois qu'une procédure de ce type vise un particulier tenant un blog amateur ne générant aucun revenu, explique Eolas à @si. Sans l'avoir encore lue, je suis très réservé sur cette ordonnance, qui illustre plus la nécessité de prendre un avocat [la blogueuse ayant choisi de se représenter elle même] qu'une évolution du droit de l'internet, à mon avis." Pour l'avocat, le "dénigrement" (qui concerne un produit ou un service à la différence de la diffamation qui concerne une personne) retenu par le tribunal pose problème, puisque cette qualification nécessite une "intention de nuire". "Dans le cas de cet article, il me semble qu'on est plutôt dans le cas d'une critique tout à fait légitime" conclut l'avocat.
MAJ 18h15 : Ajout de la réaction de la gérante du restaurant