Droit à l'oubli : Europe 1, Google 0
Vincent Coquaz - - 0 commentaires"Une personne peut s’adresser directement à [Google] pour obtenir, sous certaines conditions, la suppression d'un lien de la liste de résultats"
En une phrase, la Cour de justice de l'Union européenne a fait faire un grand pas au droit à l'oubli en Europe. Tout est parti de la plainte d'un internaute espagnol, qui a attaqué un journal local et Google devant l’Agence espagnole de protection des données (l'équivalent de la CNIL). En cause, deux articles de presse datant de 1998 qui faisaient mention des dettes de l'internaute.
L'agence avait refusé de demander le retrait des articles du site du journal mais accepté le recours du particulier contre Google. Le moteur de recherche avait alors porté l'affaire devant les tribunaux, estimant n'être pas responsable des données personnelles qu'il trie, puisqu'il n'a pas connaissance de ce dont il s'agit. Le tribunal espagnol a porté la question devant la CJUE, qui a donné tort à l'Américain. Pour la cour européenne, "l’exploitant d’un moteur de recherche sur Internet est responsable du traitement qu’il effectue des données à caractère personnel qui apparaissent sur des pages web publiées par des tiers". Le tribunal espagnol doit maintenant trancher sur le fond et décider si oui ou non Google doit retirer les liens du journal espagnol. |
Montebourg et Lemaire saluent la décision
La décision a visiblement ravi Arnaud Montebourg et Axelle Lemaire. Les deux ministres ont publié un communiqué de presse commun pour saluer un arrêt qui "constitue une réelle avancée pour la protection de la vie privée des citoyens européens". Le communiqué note au passage avec enthousiasme que les juges "ont confirmé que les traitements de données personnelles mis en place par [Google] étaient soumis à la loi nationale".
D'autres, comme le rédacteur en chef du site spécialisé Numerama, Guillaume Champeau, s'inquiètent au contraire d'un arrêt qui pose "de graves difficultés pour la liberté d'information" en la subordonnant au respect de la vie privée. Sur ce point, l'arrêt précise toutefois que "dans des cas particuliers", l'information du public primera sur le respect de la vie privée, notamment "en fonction du rôle joué par cette personne dans la vie publique".
Enfin, certains soulignent que le point le plus important de cette décision réside surtout dans le fait que la CJUE a précisé que Google exerçait bel et bien une activité commerciale en Espagne (vente de publicité) et de ce fait constituait un établissement devant se soumettre aux lois nationales et européennes. "Le fait notable de cet arrêt n’est pas tant de connaître les droits de chacun face aux moteurs, que d’affirmer clairement que Google doit se plier aux contraintes du droit européen" estime ainsi le rédacteur en chef de Next Inpact, Marc Rees.
L'occasion de voir notre émission 14h42 consacrée au sujet : Le droit à l'oubli est-il compatible avec la liberté de la presse ?