Exode jeunes : au Monde, le site contredit le journal
Sébastien Rochat - - 0 commentaires"De plus en plus de jeunes quittent la France". A moins que cette "fuite des cerveaux" soit "loin d'être avérée". En un mois, Le Monde et Lemonde.fr ont publié, en apparence, des informations contradictoires sur l'émigration des Français. En réalité, c'est davantage les titres que les contenus de deux articles, publiés en avril et en mai, qui s'opposent. Un titrage qui reflète le virage libéral du journal ?
Décodons : "La France perd-elle plus de cerveaux que les autres ?". La réponse du Monde.fr à cette question est nuancée. Dans un article publié dans la rubrique "Les Décodeurs", le site avance une série de chiffres... qui ne permettent pas de démontrer qu'il y a bien une fuite. D'abord parce qu'il y a une "grande difficulté à disposer de chiffres fiables et complets sur l’émigration et ses raisons". Mais quand ils existent, ces chiffres ont tendance à relativiser ces fuites. Exemple : selon des chiffres Eurostat, cités par Lemonde.fr, "La France connaît moins d’émigration que le Royaume-Uni ou l’Espagne, moins peuplées". En outre, ces Français qui partent à l'étranger partent surtout... dans un autre pays européen. Pas étonnant donc, que le nombre de "cartes vertes" détenues par des Français, et permettant de vivre et de travailler aux Etats-Unis, reste stable. Verdict du Monde.fr avec tous ces graphiques ? Les données manquent. Et sur la base d'une étude du Laboratoire interdisciplinaire d'évaluation des politiques publiques (LIEPP) de Sciences-Po, Les Décodeurs concluent en expliquant que "la « fuite des cerveaux » (...) est loin d'être avérée".
Conclusion étonnante quand on se souvient qu'un mois plutôt, Le Monde papier avait titré exactement le contraire :
Des titres affirmatifs alors que l'article était beaucoup plus nuancé, comme l'atteste le sous-titre : "Les entreprises parlent de "fuites des cerveaux". Au Royaume-Uni, en Italie, en Allemagne, le mouvement est plus fort". Une nuance retrouvée dans l'article du Monde.fr.
Tout est dans le titre donc. Faut-il y voir l'illustration d'une dérive libérale de la direction de la rédaction du Monde (papier) ? Dans une enquête évoquant les tensions au sein du journal, le site Mediapart relatait une anecdote allant dans ce sens : "Lors du comité de rédaction du 20 mars, le critique cinéma Jacques Mandelbaum s’est publiquement étonné que le titre de son article sur un documentaire consacré à l’université américaine de Berkeley ait été modifié. Alors qu’en accord avec son chef de service, il avait titré sur une « une utopie rongée par le néolibéralisme », le mot « néolibéralisme » a disparu dans le journal, le titre évoquant finalement « une utopie menacée ». Interrogée, la directrice avait reconnu avoir supprimé elle-même le mot qui fâche". Tout est dit ?
Le virage néolibéral du Monde ? Elements de débats dans notre dossier : Monde : attention au virage.