Des faux contributeurs dans la presse en ligne

David Medioni - - 0 commentaires

Comment des agences de com' occupent les espaces de tribune libre des médias en ligne au profit de leurs clients ? Le Journal du Net (JDN) le dévoile dans une enquête passionnante.

C'est une enquête très instructive que vient de publier le JDN. Dans un article intitulé "Le Plus, l'Express et le JDN, victimes d'une intox à grande échelle", le JDN explique "comment des agences de communication ont envahi les espaces de libre expression des medias web". Cela via les tribunes libres. Selon nos confrères, des agences de relations presse recommandent à leurs clients l'usurpation d'identité pour faire parler d'eux. Les tribunes libres contributives du Plus, de L'Express via Express Yourself, du Cercle des Echos, de Capital ou encore du JDN sont un bon moyen, pour faire parler des clients. En "contournant les règles imposant d'intervenir sous sa véritable identité, nombre de prestataires ou de services de communication ont choisi d'opter pour l'intox à grande échelle. Ou profitent des audiences de ces sites médias pour doper leur référencement en plaçant des liens pointant vers les pages de leurs clients sur des mots-clés précis". Et le JDN de décrypter les cinq techniques les plus usitées. Le tout à travers sa propre expérience.

Parmi les cinq recettes des fraudeurs, la plus simple : inventer un faux nom. "Le nom doit être banal et singulier mais suffisamment crédible pour ne pas être suspecté", souligne le JDN qui a remarqué parmi ses contributeurs des Leila Bernardin, des Catherine Delarge ou des Anaïs Roy qui outre des chroniques au JDN n'ont aucune existence ailleurs sur internet.

Autre astuce : trouver un visage non disponible sur internet afin de parer à une éventuelle recherche Google Images. Le JDN note que les "photos d'annuaires papier constituent une mine précieuse". Une photo prise sur Facebook, chez un utilisateur loin de France est aussi une idée. Moins sûre d'après le JDN qui a par exemple démasqué un certain Stéphane Filippi qui "écrit dans le JDN comme formateur et a un sosie sur Facebook qui travaille dans les assurances dans l'Arkansas".

Certains contributeurs préfèrent se présenter comme salarié d'une entreprise ou d'une institution de renom. Ils affichent souvent le même genre de jobs. "Consultant indépendant, journaliste free lance, analyste". Et le JDN de donner un nouvel exemple. Marc Chevrier contributeur prolifique du JDN a signé des chroniques sur le site au nom du département fusions & acquisitions aux Etats-Unis du cabinet Mercuri Urval. La directrice générale dudit cabinet a même été obligée de préciser au JDN qu'aucun Marc Chevrier n'était salarié dans son entreprise. Marc Chevrier est un expert. En effet, il sévit aussi sur le site de l'Express. Il y signe en mentionnant l'université de Tbilissi en Géorgie. Après vérification, le JDN a conclu à son inexistence. De même pour Laurent Duhesmes qui serait collaborateur du Musée d'Orsay où aucun salarié ne porte ce patronyme.

Pour crédibiliser leur fausse identité, les "usurpateurs" se créent un univers numérique, relate ainsi le JDN, à l'aide de profils Facebook ou Google+. Par ce biais, le JDN a par exemple découvert que le journaliste Henry Maggi qui sévissait notamment sur Le Plus (Le Nouvel Obs) était en fait un communicant payé pour assurer la com' d'un site commercial. Enfin, last but not least, le JDN raconte comment le site Educatis.fr a imaginé le profil de Maggi. Le but prendre la parole pour occuper régulièrement le terrain médiatique. Démontant la surpercherie, le JDN appelle Maggi. "Renseignements pris et joint par téléphone par le JDN, le rédacteur confirme dans un premier temps s'appeler Henry Maggi. Il faudra lui démontrer le caractère factice de son profil pour qu'il admette qu'il s'agisse d'un nom d'emprunt et qu'il a agi en échange d'une rémunération payée par les dirigeants d'Educadis pour soigner la e-réputation de leur jeune pousse", détaillent nos confrères.

Face à ces révélations quelle a été la réaction des médias concernés ? Le JDN a remarqué par exemple que L'Express avait décidé de supprimer le profil de Marc Chevrier. D'après nos constatations, Le Plus en a fait de même avec le fameux Henry Maggi. Ce que confirme la rédaction en chef.

Reste maintenant à savoir comment se prémunir devant de telles impostures. Contactés par @si, Aude Baron rédactrice en chef du Plus, reconnaît un défaut de viglance. "Cet article du JDN nous met en alerte. Nous devons redoubler de vigilance face à la façon dont certaines agences de communication tentent d'utiliser les médias", analyse-t-elle. Toutefois, elle ne veut pas être trop alarmiste. "Depuis deux ans et demi, nous avons validé 76 000 profils et validé 15 000 contributions, il y a eu une erreur", détaille Baron. Selon elle, le "risque 0 n'existe pas et le témoignage bidon n'est pas propre aux sites participatifs, mais concerne l'ensemble des médias". Ainsi, confie-t-elle à @si, "un point a été fait avec l'ensemble de l'équipe pour redoubler de vigilancedans la validation des profils". De son côté, le JDN détaille sur son site que dorénavant il s'est fixé comme principe "de ne pas publier de chroniques dont il ne connaissait pas l'auteur". Enfin Eric Mettout, directeur adjoint de la rédaction de L'Express, et patron du site, n'a pas retourné nos appels.

L'occasion de parcourir notre dossier "Impostures et imposteurs".

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