Richter, exposé à Beaubourg, censuré sur Facebook... puis réintégré !

Alain Korkos - - 0 commentaires

Le Centre Pompidou présente actuellement et jusqu'au 24 septembre 2012 une fantastique exposition rétrospective de l'oeuvre de Gerhard Richter, sans aucun doute la plus belle et la plus émouvante exposition parisienne de l'année.

À ce titre, ledit Centre publiait la semaine dernière sur son compte Facebook une reproduction d'Ema (Nude on a Staircase) de Gerhard Richter (oeuvre qui trouve son origine dans le Nu descendant un escalier n°2 de Marcel Duchamp) :

Ema (Akt auf einer Treppe) Ema (Nude on a Staircase)
par Gerhard Richter, 1966


Samedi dernier, Facebook censurait l'image en invoquant un non-respect des Conditions générales d'utilisation. "Contacté via Twitter, un responsable de Facebook Europe a laconiquement répondu «bot as usual»", nous a précisé Gonzague Gauthier, chargé de projets numériques au Centre Pompidou. Un robot, donc (bot), a effectué "comme à l'ordinaire" son rôle de censeur. Et le responsable de Facebook Europe, brave petit employé orwellien, a entériné. (On se souviendra, à cette occasion, du robot de Google Maps qui floute les visages des statues de Versailles et d'ailleurs, on en avait parlé par là.)

Ce n'est pas la première fois que Facebook censure une oeuvre d'art au prétexte qu'elle représente un nu féminin. En février 2011, un artiste danois nommé Frode Steinicke avait publié sur son compte L'Origine du monde de Gustave Courbet :

L'Origine du monde par Gustave Courbet, 1866


Ledit compte fut aussitôt désactivé, sans autre forme de procès. Et le Danois dut regretter officiellement son geste auprès de Facebook pour le voir réactivé. En février itou, Luc Wouters, réalisateur français, publiait à son tour L'Origine du monde sur son compte Facebook. Histoire de voir… Ça n'a pas traîné, son compte fut désactivé idem dès le lendemain ! (Lire à ce propos cet article de Rue89.)

"Il n'y a pas d'exception culturelle chez FB, commente Gonzague Gauthier ; tout est traité comme si ce réseau était le vecteur univoque d'une pensée lisse où l'image n'a qu'un sens : un nu de face est condamnable, quelle que soit sa nature. Il est très difficile pour une institution artistique (a fortiori des artistes, activistes, etc.) de faire valoir une pensée plus complexe sans qu'elle passe sous les fourches caudines du puritanisme. Surtout en image (notons que l'image est l'une des forces de Facebook et des RSN en général - elle porte souvent des enjeux commerciaux).

Que la suppression [du Nu descendant un escalier de Richter] soit automatique après l'affaire du Courbet est encore plus dommageable : là où on aurait pu (à grand-peine) justifier que FB ne savait pas la première fois, on ne peut plus penser qu'une chose maintenant : cela fait partie de leur stratégie. Une stratégie dans laquelle il ne faut prendre aucun risque (face aux investisseurs, face aux utilisateurs individuels, etc.). Il ne faut froisser personne, et dans ce contexte une pratique artistique est bien difficile à exposer. N'y a-t-il dans ce cas qu'une sorte d'art qui puisse être publié ?"

On peut le redouter, en effet…

Source

L'occasion de lire ma chronique intitulée Faites chauffer la cire ! ou... le sexe s'épile-t-il pour plus de sex-appeal ? dans laquelle il est question des poils de l'Origine du monde mais aussi de ceux d'Adam et Ève, des Trois Grâces de Raphaël et de quelques Vénus.


Mise à jour, 18 heures.

Il aura fallu faire un peu de bruit autour de cette lamentable censure pour qu'elle soit levée, l'Ema de Gerhard Richter, son Nu descendant un escalier, a réapparu sur la page Facebook du Centre Pompidou.

Capture d'écran de la page Facebook du Centre Pompidou,
réalisée ce jour à 17h50


L'agence chargée de la communication de Facebook en France a en effet expliqué à Gonzague Gauthier, chargé des projets numériques du Centre, qu'ils ont regardé l'image plus précisément, l'ont étudiée et se sont rendu compte qu'il ne s'agissait pas d'une photo mais d'une peinture, raison pour laquelle ils l'ont rétablie.

Bien. Très bien. Bravo. Reste à informer ces messieudames de l'agence chargée de la communication de Facebook en France que l'Origine du monde de Courbet n'est pas non plus une photographie, mais une peinture…

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