BNP / évasion fiscale : Le Monde minimise
Anne-Sophie Jacques - - 0 commentairesLa banque BNP Paribas, qui publiait ses comptes vendredi, était à l’honneur de la presse, pour...son art de l’évasion fiscale. La raison de ce pointage du doigt ? Un article publié le matin dans Libération qui revenait sur un produit douteux de BNP nommé Luxumbrella.
On vous le racontait hier : selon le journaliste de Libération Nicolas Cori, BNP Paribas flirte avec la fraude fiscale grâce à une Sicav luxembourgeoise, Luxumbrella, déjà dénoncée par le journal Marianne en 2010. Hier, Cori en remettait une couche : "Le produit sert à échapper au fisc, en profitant des trous de la législation européenne sur les paradis fiscaux."
Star de l'évasion...
L’information de Libé fait aussitôt l’objet d’une dépêche relayée notamment sur le site de L’expansion. En fin de journée, ce même site revient plus longuement sur les faits, et la journaliste Julie de la Brosse poursuit le travail de son confrère avec un papier titré "BNP, la banque qui excelle dans l’art de l’évasion fiscale". Le constat est le même : avec "Luxembrella, via un mandat de gestion, la BNP propose d'investir elle-même dans la Sicav pour le compte de ses clients." Et, de fait, la conclusion tombe sous le sens : "ce n'est pas le particulier qui place son argent à l'étranger, mais le banquier lui-même qui investit. C'est parfaitement illégal, mais la banque s'en lave les mains, en répliquant au Fisc que ce n'est pas à elle de rédiger la déclaration de revenu de ses clients !"
La journaliste va plus loin en estimant que "les paradis fiscaux sont à la BNP ce que Kerviel est à la Société Générale... un boulet que l'on traîne, sans pouvoir s'en défaire". Et de rappeler l’historique de cet amour pour les paradis : "en 2009, au moment du G20 de Londres, une enquête du magazine Alternatives Economiques estimait à 189 le nombre de filiales que la banque détenait dans les paradis fiscaux. Pour éviter la polémique, la «Star des Paradis Fiscaux» décide de montrer l'exemple en fermant ses filiales controversées. Ce qu'elle fera à Panama et aux Bahamas. Sauf que quelques mois plus tard, en 2010, l'ONG CCFD- Terre Solidaire estime que la BNP détient encore 347 filiales dans des territoires dits non coopératifs. Contre 107 seulement pour Crédit Agricole et 40 pour Société Générale."
... ou pas
Autre titre à embrayer sur le sujet : le site du Monde.fr avec un papier publié en début de soirée. Mais là, le discours et le ton sont très différents. L’auteure de l’article, Mathilde Damgé, semble faire la leçon à Cori. Car, dit-elle, "ce n'est pas le mode de gestion ni le fonds lui-même qui posent problème. Il en existe plus de six cents de ce type au Luxembourg." Elle ajoute que si "le nom du fonds «Luxumbrella», contraction de Luxembourg et umbrella ("parapluie", en anglais), indique peut-être une intention de se protéger de quelque chose, techniquement le fonds parapluie désigne une enveloppe globale détenant une gamme de sous-fonds, soit "un type de produit très généralisé et qui existe aussi en France." Cela dit, la journaliste ne nie pas le problème de la fiscalité du fonds. Et alors ? répond un responsable de formations financières, "s'il y a un vide juridique, je ne vois pas ce qui empêcherait BNP de s'engouffrer dedans. Ce n'est peut-être pas moral, mais ce n'est pas non plus illégal." |
Enfin, derniers arguments déployés : "Luxumbrella n'est pas le seul à blâmer. La banque suisse UBS a été attaquée en début d'année sur son système d'évasion et de fraude fiscales." Ou encore : "pour un fonds institutionnel, les encours de Luxumbrella ne sont pas très élevés (902 millions d'euros au 31 mars, à comparer avec les 1 400 milliards de dollars du fonds des pensions d'Etat japonais, par exemple)." Conclusion : l'article reprend en tous points les arguments de la banque, à savoir on n'est pas les seuls à le faire, c'est une faille de la législation, ça ne rapporte rien du tout ou si peu.