Grèce : l'aide servira-t-elle à payer salaires et retraites ?

Anne-Sophie Jacques - - 0 commentaires

Où va l’argent de l’aide à la Grèce, le retour. Hier l’éconaute concluait son article consacré à cette aide en affirmant que "les 130 milliards servent à recapitaliser les banques grecques et à payer les créanciers privés." Faux, bondit aussitôt Jean Quatremer, correspondant de Libération à Bruxelles, sur son compte Twitter : cette aide servira aussi à payer les salaires des fonctionnaires et les retraites des Grecs, assure-t-il. C'est vrai... même si nul ne sait quelle part du plan d'aide leur sera finalement consacrée.

Quel est le journal qui a affirmé hier que les Grecs ne pourraient pas affecter l'aide internationale à la paye des fonctionnaires et des retraites, et sur lequel s'est fondée l'éconaute ? C'est le Figaro, dans un article signé Marine Rabreau. Et en le lisant, il est effectivement légèrement ambigu. On peut y lire d'abord que "la troïka (…) aura la mission de contrôler un compte bloqué qui sera créé dans les deux mois et sur lequel sera versée une partie des fonds prêtés à la Grèce. Des fonds affectés uniquement au remboursement de la dette publique". "Une partie" des fonds seulement, donc, sera affectée au remboursement de la dette. Problème, l'article continue en affirmant que "Athènes ne pourra pas utiliser l'aide européenne sur d'autres postes budgétaires, paiement des salaires des fonctionnaires ou des retraites par exemple". L'articulation de ces deux affirmations porte à confusion.

Après avoir suggéré aimablement que la journaliste du Figaro n’a rien compris, Quatremer émet l’hypothèse qu’elle confond le compte dédié, spécialement affecté à la dette, et l'aide budgétaire globale versée par l'UE.

Qu’en est-il au juste ? Jointe au téléphone, Marine Rabreau assure qu'elle n'a rien confondu et confirme que le compte bloqué – on dit dédié, ça fait moins "interdit bancaire"- ne servira qu’au remboursement de la dette, ou plus exactement au remboursement des intérêts de cette dette. Un montant qui s'élève à combien ? Quatremer assurait sur twitter que 40 milliards seraient réservés au sauvetage des banques, et que le reste irait donc dans les poches des Grecs. Or, selon Rabreau, on ne sait pas du tout quelle somme sera versée dans le compte dédié au remboursement des intérêts de la dette, "vu qu’on ne sait pas encore à combien s’élèvent ces intérêts". Logique, car personne ne sait encore si les fonds d’investissement privés vont accepter de faire disparaître une partie de la dette grecque qu'ils détiennent, ni quelle part se verrait annulée, et encore moins comment le reste serait renégocié. Difficile donc de savoir combien d'argent restera à rembourser par la Grèce au final.

Bref. Sur les 130 milliards versés par l'UE, on ne sait pas quel montant sera réservé au remboursement de la dette. D’après la journaliste du Figaro, aucun expert et économiste interrogé hier n’a su répondre à la question. Et le reste de l’aide non bloquée ? Il ne servira pas seulement à payer les fonctionnaires et les retraites : il sera aussi utilisé pour payer les diverses échéances de remboursement de dettes qui courent jusqu'à la fin de l'année, et qui représentent plusieurs milliards d'euros. Quatremer 1 / Anne-So 1.

Cela dit, il est clair que cette aide ne vient pas relancer la machine économique grecque. Comme l'a dit Philippe Lefébure ce matin sur France Inter, "l'objectif affiché de ramener le déficit public grec, autour de 120% du PIB en 2020 reste très aléatoire. Parce qu'il est basé sur des prévisions de croissance optimistes. Parce qu'il est basé sur une sous-estimation des besoins de refinancement des banques grecques et (à l'inverse) sur une surestimation du produit des privatisations, réclamées." Au téléphone, le chroniqueur ne le nie pas : "Personne ne croit à ce plan. Il permet juste de gagner du temps."

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